Mardi 29 avril 2 29 /04 /Avr 18:45

                                 PROMENADE À TOULOUSE

 

Le samedi après-midi le centre-ville de Toulouse déborde de monde, surtout quand il fait beau. La ville rose se transforme en fournaise surpeuplée. La chaleur est à peine supportable. L’air est stagnant. Venant de ma montagne j’ai du mal à respirer. Je ne supporte pas ce climat. En descendant la rue Saint Rome, je débouche sur la place Occitanie où se situ le capitole, fierté et insigne de la ville. Les arcades me rappellent le temps où j’étais étudiante, des innombrables pots pris en compagnie d’autres étudiantes et étudiants. Des interminables discussions me reviennent en mémoire, sur la fac, les profs, la politique, la société et aussi la littérature, ce lien qui nous unissait. Je trouve que depuis la clientèle n’a pas foncièrement changée. Les visages ne sont plus les mêmes, mais les sujets de conversation se sont transmis à la nouvelle génération. Cinq ans déjà que je suis retournée au village. Un mariage, un divorce et une carrière professionnelle m’ont fait oublier le temps. Aujourd’hui, j’ai la nostalgie et je savoure ce pas en arrière. J’aime cet endroit pour la beauté de son architecture, pour sa convivialité, pour sa douceur de vivre. En voyant la croix d’Occitanie je pense aux Cathares, à leur hérésie manichéenne, à la seule croisade sur terre chrétienne, au massacre de Muret. L’histoire de la région m’a toujours passionnée et comme pour beaucoup, toute ma sympathie appartient aux vaillants défenseurs du Mont Ségur, trahit par des mercenaires basques. J’ai souvent observé une certaine animosité des gens de mes montagnes envers les basques pour ce fait. Cela me paraît une aberration qui rejoint le racisme actuel, me rappelant une parabole que j’ai lu quelque part : un chasseur tue les jeunes d’un lion. Le lion se venge sur les êtres humains, car il n’est pas capable de différencier entre le coupable et l’espèce. Serions-nous si proche des animaux pour tomber dans les mêmes erreurs ? Sartre a raison que l’existence précède l’essence et devenir un être humain digne de ce nom soit un chemin laborieux que peut de gens entament ; pas par découragement devant la difficulté, mais par indifférence.

 

Chloé m’attend pour notre deuxième rendez-vous à la terrasse d’un café sous les arcades. Elle est assise en plein soleil, tandis que la place qu’elle m’a réservée se situe à l’ombre. C’est toujours elle la première qui arrive. Une fois de plus elle a de l’avance sur moi. On échange une tendre bise, plus tendre et plus charnel encore que l’autre jour à la sortie du restau. Chloé est d’excellant humeur, son visage est radieux. Comme moi, elle porte une robe d’été et des sandales.  

 

-Quel plaisir de te voir en robe ma petite Bella. Tu es très séduisante. L’endroit te convient-il ?

 

-Qui parfaitement. Comment as-tu deviné que je crains le soleil ?

 

-Rien de plus facile. La blancheur de ta peau te trahit. Quelqu’un qui passe la moitie de sa vie dans des livres n’a sûrement pas beaucoup occasions de s’exposer à la lumière naturelle. Sais-tu pourquoi j’ai choisi cet endroit ?

 

-Non, pas vraiment.

 

-C’est un emplacement idéal pour observer, mater si tu préfères. Tu verras combien de monde défilera devant nous. Il n’y a pas mieux pour se familiariser avec la psychologie masculine.

 

Je ne suis pas venue pour « mater » les hommes. Tout ce que je cherche c’est la compagnie de Chloé. J’adore l’écouter. Chacun de ses mots parle du monde en dehors de mes livres. Mais je ne suis pas contrariante.

 

-Dans notre société une femme dispose d’un avantage indéniable. Malgré tous les mouvements féministes, quasiment rien n’a changé dans la séduction. Le premier pas appartient encore à l’homme. Quelle aubaine pour nous. Mais si on veut que la séduction opère, à nous de faciliter la tache aux hommes. D’après toi Bella, comment fait-on ?

 

 -Je ne sais pas. Il ne me semble pas évident d’entrer en conversation avec un inconnu.

 

-Tu manques de l’imagination, Bella. Inutile de parler. Pour l’instant les mots sont de trop. La vie est beaucoup plus simple. Il suffit de chercher le regard. N’oublie pas de surveiller discrètement tes gestes et la manière dont tu es assise. Le tout se joue quand les regards des deux êtres humains se croisent. Si l’homme te plaît, un simple sourire peut l’arrêter dans sa course.

 

-Tu t’exerces souvent à ce jeu Chloé ?

 

- Oui, quand je me sens seule. Pour me prouver que je plais encore.

 

- Tu doutes de ton physique ? Tu te moques de moi ?

 

-J’ai quarante-deux ans, Bella. À mon âge la beauté n’est plus une évidence, mais un mérite qui se travaille tous les jours. Surtout à notre époque qui voue un culte à la jeunesse.

Que vois-je le matin quand je me regarde dans la glace ? Une femme qui a vieillie d’un jour de plus. Je n’ai pas d’enfant, je n’ai plus de compagnon, à moi alors de donner un sens à chaque instant de mon existence.

 

-Es-tu obsédée par le temps Chloé ?

 

-Au cours de ma vie, j’ai fait une drôle d’expérience. Le temps nous appartient. Il ne se déroule pas continuellement avec la précision d’un métronome, mais dépend de notre état d’esprit, de la manière que l’on remplit ses journées. Plus qu’on se jette dans des activités plaisantes, plus il paraît extensible. Ce n’est pas le temps chronométré d’un événement, d’une relation qui importe, mais l’intensité du vécu. Plus les émotions sont fortes, plus le temps perd de son pouvoir.

Une passion s’approche par les émotions ressenties étrangement à une petite éternité, autant pour le bonheur que pour la souffrance. Quand tu attend l’arrivée d’un être aimé la journée devient interminable et quand tu es auprès de ton amour tu ne compte plus les secondes qui passent et quand tu fais de l’amour, l’extase nous amène carrément ailleurs.   

J’ai du mal à croire à une vie après la mort, je préfère exister dans le « ici et maintenant » à travers d’autres êtres humains qui partagent avec moi cette fascinante aventure qui est la vie. Es-tu croyante Bella ?

 

- Je suis agnostique, je ne sais pas s’il y a un dieu ou pas. Mais parfois je me surprends à penser que je me lasserais vite d’une éternité auprès d’un bon Dieu. Alors je me cultive pour faire des réserves en vue d’un paradis pour m’échapper là-bas, en cas d’ennuie, dans mon imagination.

 

-Tu es déjà en train de t’entraîner ici, sur terre. Ne voudrais-tu pas aussi emporter avec toi une multitude d’expériences ? Qui sait, peut-être ça peut servir là-haut.

Tu n’aurais pas par hasard une petite citation, Bella qui s’accommoderait à notre discussion ?

 

-Oui et elle vient de Hippias, un sophiste grec : l’important n’est pas de tout savoir, mais de triompher de tout.

J’aime chez les sophistes le fait qu’ils mettent le quotidien de l’être humain au centre de leur philosophie, un existentialisme avant terme dans un certain sens. Ils ne cherchaient pas à élaborer ou s’approcher d’un savoir absolu, ils visaient plutôt à construire un homme du style qui sait tout faire. Bien sur, à leurs yeux les femmes étaient exclues d’une telle destinée. 

 

Chloé me regarde attentivement, puis elle me répond par une citation qui – venant d’elle   - m’étonne autant plus :

 

-Tant que la femme demeure une parasite, elle ne peut pas efficacement participer à l’élaboration d’un monde meilleur. Simone de Beauvoir : Le deuxième sexe ; volume deux. Mon mari fréquentait souvent des intellectuels. Certains parmi eux se faisaient un plaisir de me rappeler que je n’étais qu’un corps sans cervelle, les mêmes qui   - après la mort de mon mari – m’ont fait des avances. Crois-moi Bella, je connais bien les hommes. Ils savent dominer ce monde, mais pour le perpétuer ils ont toujours besoin de nous, les femmes.

Je comprends parfaitement le penchant de certaines féministes privilégies pour l’insémination artificielle. De quoi à vraiment effrayer nos cher mâles.

Je n’ai pas honte de ce que je suis. Dans un certain sens j’ai activement participé à l’œuvre de mon mari. J’étais plus qu’un simple modèle, j’étais sa muse.

Inspirer c’est engendrer ; inverser les rôles. C’est la muse qui met la graine en l’homme et c’est ce dernier qui tombe enceinte, supporte la grossesse et surtout l’accouchement. Quel triomphe formidable de la féminité sur la soi-disant supériorité masculine

J’ai posé pour plus de cent tableaux qui ont servis à embellir le quotidien de milliers de gens, qui ont servis à faire évoluer les mœurs vers une sexualité plus libre dont profite la jeunesse actuelle. Pense au fait aussi à quel point la définition de ce qu’on appelle la perversité a changé. L’homosexualité ne plus une pratique honteuse, mais un phénomène de société et je m’en réjouie. Tu t’en doutes que je suis pour les mariages entre homosexuels. Je suis aussi pour une sexualité libre entre personnes consentantes. La révolution française a séparé état et église. La révolution sexuelle a séparé vie privée et morale. Depuis la nuit du temps les classes supérieures ont profité de toutes les possibilités pour exciter leurs sens, mais ils ont réprimé les petits gens sous le prétexte de bonne moralité.

 

Chloé s’est laissée emporter par son enthousiasme. Elle a une voix qui porte. Les gens se sont retournés vers nous. J’ai envie de me faire toute petite et de me cacher.

 

L’après-midi touche à sa fin. La chaleur devient torride. J’ai une excellente mémoire et les mots de Chloé se sont gravés dans mon esprit. Ses théories ont l’air tellement simples. Il suffit de les appliquer dans la vie. Au moins, maintenant je suis armée.

 

Chloé me propose une promenade dans le centre ville. Elle me montre des boutiques de maquillage où elle se sert, on me donnant des conseils précieux.

 

Elle me parle de parfum en soulignant que l’odeur naturelle de la femme soit la plus puissante des aphrodisiaques. Les phéromones se trouvant dans les secrétions de notre peau sont captées par les hommes. S’il y a compatibilité des odeurs, un lien invisible se crée spontanément entre deux personnes. D’où l’importance fondamentale de soigner aussi bien son odeur que sa voix et son physique. Un bon parfum ne doit jamais cacher l’odeur de la femme, il doit être son compagnon. C’est là, le secret de la parfaite séductrice. On "sent " une séductrice, dit notre langage.

 

Quand aux phéromones j’ai quelques réticences. Il n’existe aucune preuve scientifique de leur efficacité. Par contre, j’ai lu quelque part une étude fort intéressante à ce sujet. Il s’avère que dans les cloîtres les nonnes en âge de procréation (sic) ont leur règles toutes au même moment on « réglant » leur horloge biologique sur celle de la mère supérieure.

 

Les boutiques ferment. Les commerçants se préparent pour un week-end bien mérité. Chloé me propose de souper avec elle. Je ne vois aucun inconvénient. On a passé un bon moment ensemble et j’aimerais faire durer le plaisir. Demain je ne suis qu’attendue vers midi chez mon frère et ma belle sœur. Je ressens ces dimanches ennuyeuses comme une corvée. Je me suis pliée pendant des années à ce rituel et personne ne comprendra si je me décommandais. On me connaît bien. Bella est éternellement disponible pour sa famille. Pourvu que cela change. Pour l’instant il me manque encore le courage. On ne refait pas une vie entière en quelques semaines.

 

Depuis ma rencontre avec Chloé, je me sens différente. Je ne suis plus la Bella d’avant. J’ai un devenir maintenant. Une nouvelle Bella se prépare et je commence à l’apprécier. Parfois elle me fait peur, parfois j’aimerais brûler les étapes. J’ai l’impression que mon équilibre repose entre les mains de Chloé. J’éprouve une profonde gratitude envers cette femme, qui a su secouer la belle au bois dormant. Une Bella qui a du retard sur son époque et qui a surtout un retard envers la vie. Elle s’est trop longtemps privée pour les autres, elle a mis trop longtemps ses propres rêves aux oubliettes. Elle était devenue trop sérieuse, prudente et économe comme une mémère.

 

Chloé possède un joli quatre pièces à Toulouse, proche des beaux arts, avec balcon et vue sur la Garonne. Un endroit exceptionnel pour admirer un coucher de soleil magnifique. Je suis friande d’apprendre que son mari a exécuté, à l’abri des regards curieuses, sur le même balcon sur lequel je suis assise, toute une série de toiles. Maintenant elles sont un peu partout éparpillées en France et dans le monde.

 

-N’as-tu pas des tableaux de ton mari ici ? , demande-je.

 

-Je n’aime pas m’encombrer de souvenirs. Ils vivent en moi, je n’ai pas besoin d’un support visible. Pour moi, le passé n’a plus d’existence dans la réalité du présent. Il appartient au monde de la mémoire. Si je me laisserais engloutir par le passé, je n’aurais plus le loisir d’apprécier l’instant qui est la seule et unique vérité, un perpétuel devient qui bascule vers le futur. Je suis heureuse de vivre en fin gourmet, savourant avec délectation ce qui m’arrive. Autant pour le meilleur que pour le pire. Chaque événement a une raison d’être. 

 

-Je peux te poser une question indiscrète Chloé ?

 

-Naturellement. Pour moi, ce genre de questions n’existe pas. Je n’ai rien à cacher, surtout pas à toi Bella.

 

Je me sens flattée et cela me donne du courage.

 

-Reçois-tu des amants ici ?

 

-Jamais. Ici, c’est mon jardin secret. En plus, je ne veux plus m’engager dans une relation à long terme avec un homme. Un couple réussi est le fruit d’un travail en commun qui demande des années d’effort des deux côtés. Au début, il y a ce qu’on appelle de l’amour. Mais on s’aperçoit vite que cela n’est pas assez pour créer une harmonie. Il faut une multitude de centres d’intérêt à partager, sinon on tombe dans l’ennuie ; la routine et l’habitude sont la mort certaine de l’amour. Si on arrive à surprendre son partenaire tout les jours, même après des années, là on peut parler du vrai partage. J’ai partagé vingt ans de passion avec M. et après chaque année j’avais l’impression d’un surplus, d’une complicité qui devenait de plus en plus dense sans que l’un de nous deux se sente dépendant de l’autre. M. ne m’imposait rien, mis à part des séances de travail - et moi, de mon côté, je le laissais tranquille, quand il était en atelier avec ses modèles. M. était un homme charmant, un briseur de cœur, partout où il passait. Il ne pouvait pas s’empêcher de séduire, dès que l’occasion se présentait. C’était un jeu, il n’avait rien à se prouver, il était sur de lui. Pour lui, c’était sa manière de s’inspirer, de trouver des nouvelles idées. Il n’était pas un coureur des jupons, mais un collectionneur de beauté à immortaliser. Et cela se ressent dans ses tableaux, cette sincère passion pour la beauté féminine. Que cela soit dit, il choisissait souvent des modèles assez quelconques à mon goût, parce que la femme en face de lui, l’être humain avec ses défauts et qualités, le touchait. Mais sa manière de sublimer ces fleurs de l’ombre faisait son succès. Il n’offrait pas un quart d’heure de célébrité, il distribuait l’éternité. Quelle femme aurait pu refuser de poser pour un tel artiste ? Le côté narcissique ne connaît pas de limites.

M. était le centre d’un perpétuel tourbillon de nouveaux corps et visages.

 

-N’as-tu jamais été jalouse Chloé ?

 

-A ton avis ? Les premières années, je lui faisais des scènes terribles. N’oublie pas, je l’ai rencontré à seize ans et il était le grand amour de ma vie, malgré dix-huit ans de différence d’âge. Pourtant je n’ai pas vu un père en lui. Pour moi, il est resté toujours jeune. Il aimait rire, faire la fête, des bêtises, des surprises. Un personnage entier, sans la moindre répétition. Tu imagines, de te réveiller à côté de quelqu’un, sans savoir où il t’amènera ce jour-là. On partait souvent en voyage sur des coups de tête. Chaque fois que je lui proposais une activité, il était partant, avec l’enthousiasme d’un enfant qu’on émerveille. Il n’observait qu’une seule règle et là, il ne plaisantait pas : jamais laisser un tableau en chantier. C’était sa manière de respect pour ses clients et admirateurs. Parfois il me réveillait au milieu de la nuit pour m’annoncer qu’il avait fini. On disposait d’une voiture confortable, dans laquelle je continuais mon sommeil pendant qu’il conduisait. Il était insomniaque. Au début, j’essayais de faire les valises. J’ai vite abandonné. Je n’avais pas besoin d’emporter avec moi quoi que ce soit. Il m’achetait sur place ce dont j’avais besoin. Quand il voyait un endroit qui l’inspirait, il s’arrêtait et préparait ses fonds de toile, pendant que moi je dormais.

Le coffre de la voiture abritait un atelier ambulant. Par contre, il cachait jalousement ses toiles de tout regard pendant qu’il travaillait. Il ne supportait pas qu’on l’observe pendant les séances. Personne n’a jamais vu des étapes d’un tableau, même pas moi. Il a tourné "La fille aux cheveux noirs" vers moi, une fois fini. Je ne me suis jamais sentie aussi belle qu’à ce moment là. Il m’a révélé à moi-même. De suite je me suis sentie comprise par lui. C’est plus qu’un nu, c’est la vision de l’intérieur de mon âme. Comme j’étais heureuse de me voir en beauté parfaite et effrayée à la même occasion par ce coup d’œil dévoilait plus que je savais sur moi à cette époque.

Je divague un peu. Excuse moi. M. était un personnage extrêmement complexe, que je perds vite le fil. Retournons à la jalousie.

Je suis restée son modèle pendant un an, sans qu’il me fasse la moindre avance. Il avait une façon personnelle de mettre une femme à l’aise, ce qui est indispensable pour les nus.

Puis, un beau jour, au milieu d’une séance de travail, il a posé son pinceau. Il avait un rapport charnel avec la peinture. Parfois il se servait de ses doigts, de la paume de sa main, des avant bras ou coudes. Il avait horreur des blouses de peintre et ses vêtements étaient aussi tachés que lui.

Il s’est approché de moi en me disant :

  -Ma belle, petite Chloé. Je n’arrive plus à te considérer comme un modèle.

Il m’a tendrement embrassée sur la bouche. Combien de mois j’avais espéré ce moment. Je me suis blottie dans ses bras. Il m’a caressé mon corps avec l’art d’un peintre expérimenté, laissant des empreintes de couleur partout. Il y avait l’odeur de peinture, l’odeur d’huile et ses mains douces et glissantes. Ça c’est passé un après-midi ensoleille dans cet appartement.

C’est ainsi que je suis devenue sa compagne. Comme toutes les jeunes filles je voulais l’exclusivité de lui. J’étais trop inexpérimentée pour comprendre qu’il avait besoin de plus qu’un seul modèle.

Jalouse, furieuse et j’ai faillie me battre avec une fille qui venait pour poser. Il nous a calmement séparées et s’est excusé auprès de la fille pour l’incident. Il lui a demandée de nous laisser seuls pour un moment, en précisant que ce ne serra pas pour longtemps.

Une fois seul il m’a dit :

  -S’il y avait un choix à faire entre toi Chloé et ma peinture, ce sera la peinture, sans hésiter.

S’il y avait le choix entre toi et une autre femme, ce sera toi. Je sais très bien faire la différence entre mon travail et mon amour.

  -Moi, je veux des certitudes. Si ton amour pour moi est sincère, épouse-moi.

  -Promis ! Dès que j’aurai finis mon nouveau tableau, je m’occuperai de notre mariage. Vas en ville, pour te choisir la robe de tes rêves, mais laisse-moi travailler maintenant.

Il a cherché la fille et disparaissait dans l’atelier avec elle. Je me suis trouvée seule et exclue.

Nonobstant, on s’est vraiment marié, comme il avait promis. J’ai mis pas mal d’années à le cerner. On fait, c’était un homme parfaitement fidèle, malgré un nuage de femmes qui flottait en permanence autour de lui. Vers mes trente ans, je n’avais plus l’ombre d’un doute sur lui.

On formait un couple uni sans disputes, dans une confiance mutuelle. Je ne te cache pas que moi aussi, pour ma part, j’étais courtisée de tous les côtés. Il ne me demandait jamais des comptes de mes journées ou soirées, quand il travaillait. Il m’aurait été facile de le tromper.

Après sa mort, je ne suis pas restée longtemps sans compagnie d’homme. J’avais trop de mal à supporter la solitude. Elle me pesait à un point de me jeter dans des bras inconnus.

Malgré tout, je pense que je suis restée fidèle à M., à ma manière. Jamais je n’ai amené un amant ici. Aucun entre eux ne sait où me trouver à Toulouse. J’ai l’habitude d’apparaître et de disparaître quand cela me chante. J’ai aussi appris à me familiariser avec la solitude. Parfois elle me manque et je me cache chez moi. Le reste du temps, je vis à cent à l’heure et je m’amuse. J’aime le bain de foule, j’aime me montrer, j’aime me prouver que je plaise encore.

 

-Sur ce point, je peux te rassurer Chloé. Je n’ai jamais connu une femme aussi attractive que toi. Tu portes la séduction sur toi et tu ne laisses personne indifférent.

 

-Alors prouve le Bella !

 

Je deviens toute rouge. La réponse de Chloé a été trop évidente. Je n’ai pas d’expérience d’un premier pas. Je suis timide.

 

Heureusement Chloé est là. Elle me caresse doucement la joue.

 

-Comme cette rougeur te va bien Bella. L’attrait du nouveau, du défendu est inscrit dans tes yeux.

 

Elle s’approche encore plus vers moi et m’embrasse dans le coup. Sa langue tourne autour de la naissance de mes cheveux. J’ai la chair de poule, malgré la chaleur de ce soir. Elle commence à me mordiller mes oreilles, des petits coups de dents bien précis, comme si elle devinait instantanément mes points sensibles. Elle glisse sur mes bras et mains avec la pointe de ses ongles, remonte à nouveaux vers mes épaules et le haut du dos. La sensation est étrange, des caresses, mélangées à la sensation que l’on me gratte le dos. Je n’ose pas bouger. Je suis figée.

 

-Laisse-toi faire, dit-elle pour distraire mes inhibitions.

 

Sa bouche cherche la mienne. Elle m’ouvre délicatement mes lèvres avec sa langue et commence à m’explorer. Lentement par sa douceur et sa patience elle arrive à me détendre. Nos langues font connaissance. Je suis sécurisée. À mon tour je m’adonne à Chloé. Nos baisers deviennent de plus en plus ardents. Je sens que Chloé ouvre la fermeture éclair de ma robe qui tombe par terre en silence. Sentir ma robe glisser me semble comme des innombrables mains qui passent sur mon corps.

 

Le temps perd son existence. On se trouve tout les deux sur le lit de Chloé. Elle ne fait aucun effort de m’enlever le slip et le soutien gorge. J’ai envie de lui arracher sa robe, de lui arracher ses sous-vêtements, de sentir son corps nu collé contre le mien. Et elle attend, respecte ma pudeur, se languit d’une initiative de ma part. Je ne suis pas encore prête. On n’exorcise pas des tabous dans une seule soirée. Ma réticence, ne la fâche-t-elle pas, ne la vexe-t-elle pas ? Est-ce qu’elle me donnera une deuxième chance, si je jouais aujourd’hui ma carte de l’ingénue. Est-ce que je frustre Chloé autant que je me frustre ? Malheureusement, je n’arrive pas à me décoincer. Nos corps se collent, s’enlacent, se frottent. Le désir d’être nue devient irrésistible. Et là, à ma grande surprise, Chloé se détache de moi et se lève. Ma frustration n’a plus de limites. Abandonnée en pleine excitation, Chloé me regarde avec tristesse et compassion.

 

-Aujourd’hui, ce n’est pas notre jour Bella. Je suis peut-être allée un peu trop loin, je ne voulais pas te bousculer. Mais je ne suis pas pressée parce que tu m’es précieuse. La prochaine étape sera la bonne. Et si je nous préparais à manger ? N’as-tu pas faim ?

 

 

suite chapitre 4.1

 

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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