Mardi 29 avril 2 29 /04 /Avr 18:55

                                                4.2  Le Bain 


-Fantasmes masturbatoires ?

 

- Pas souvent. Je me plaisaiS tellement dans mon état d’excitation qu’il devenait une finalité en soi que je m’obstinait à maintenir par peur de retomber dans la réalité décevante. Quand cela m’arrivait de me masturber, après des orgasmes intenses, la culpabilité me rejoignait et je m’interdisais même la pensée à ce que je venais de vivre. J’essayais de ne plus recommencer le plus longtemps possible. Chaque jour que je tenais bon, je le marquais dans mon agenda. Mes idées me semblaient inconcevables avec une sexualité entre un homme et une femme et je me posais la question si l’acte, débarrassé de mes frivolités imaginées, réservait encore une surprise quelconque. 

 

-On dit que c’est la transgression d’un interdit qui provoque les émotions les plus fortes.

Un jour, j’ai posé en tenue de militaire pour un tableau. Pendant l’interminable heure où M., absorbé par son travail, s’entourait de silence, je m’imaginais sous les ordres d’une femme qui me faisait marcher au pas, accompagnée d’une musique ridiculement entraînante. Pour chaque faux pas, elle me frappait sur les fesses et j’ai dû recommencer l’exercice. J’étais rebellée contre elle, lui en voulais à mort, mais bizarrement je m’appliquais sagement et même, quand je faisais une faute, je lui tendais mon postérieur. Plus qu’elle se montrait dure avec moi, plus j’étais conquise par elle, convaincue que je méritais ma punition.

 

Chloé me raconte ce fantasme en toute innocence. Elle est parfaitement à l’aise.

Puis elle rajoute :

 

-Pourquoi chercher une explication rationnelle à ce qui émue profondément ? Il est bien évident qu’un psychiatre pourrait trouver sans la moindre difficulté la raison de mes délires.

Cela m’avancerait en quoi ? J’aime bien me perdre dans des excitations sulfureuses. Cela fait partie de moi. J’adore ce petit plus qui tourne autour de la honte. Je ne le cache pas. Comme toi je savoure de me maintenir dans un état d’excitation le plus longtemps possible. Quand je me masturbe enfin j’ai des jolis petits orgasmes qui me laissent toute pantelante. Ce qui nous différencie c’est l’état d’esprit après. Moi, je me sens vraiment bien, apaisée et satisfaite. Je me laisse toujours aller. Je n’ai pas peur de ce qui se cache dans mes profondeurs. Mes fantasmes font partie de moi et je les vie aussi bien qu’un beau voyage ou une soirée agréable.

 

-Je t’envie Chloé. Je trouve ton approche très saine et j’aimerais bien faire autant. Sais-tu que tu es la première personne à laquelle avoue que je me masturbe ?

Dernièrement une étrange fantaisie me hante et m’excite beaucoup. Ne rigole pas. Je me suis décidée d’aller chez le coiffeur. Jusque là rien de plus banal. Mais dans mon imagination je suis reçue par une femme très austère. Elle me propose une coupe à la garçonne avec une coloration en noir bleuté. Au début je ne suis pas du tout d’accord. Elle insiste avec fermeté et je n’ose plus la contredire.

La dame ne se prive pas et elle a la main terriblement lourde. Je vois mes boucles tomber par terre et ma chevelure se désépaissie de plus en plus. Quand je me lève du fauteuil, je me retrouve, les cheveux presque en brosse sauf quelques petites mèches par devant. Au lieu de l’habituelle petite longueur de la nuque, l’arrière de ma tête est presque rasé. Il ne reste au plus quelques millimètres. Idem pour les côtés. Qu’en penses-tu Chloé ?

 

 -T’es en train là de me demander ma bénédiction pour te changer la tête ?

 

-Si ! J’aimerais ton avis. Crois-tu que ça m’irait ?

 

-Tu seras ravissante Bella. Sur des jeunes femmes comme toi, je trouve ce genre de coupe extrêmement coquin, surtout sur quelqu’un qui affiche un aussi joli visage que toi. Il est vrai que ta permanente a l’air un peu ringarde. Elle ne te met pas en valeur. En plus elle enlève l’éclat et la brillance de tes cheveux.

T’as mûrement réfléchie ? Envie vraiment du très court ?

 

-Du ultra court ! Je pense qu’un striptease capillaire me ferrait du plus grand bien. Je suis trop en guerre avec ma féminité depuis des années. Elle me paraît un fardeau lourd à porter. En coupant mes cheveux j’ai l’impression de remédier à ce mal à la racine, si j’ose dire. J’ai besoin de provoquer pour me sentir moi.

 

-Tu seras merveilleusement sexy Bella. Les hommes vont se retourner sur toi.

 

-Es -tu sérieuse ?

 

-Absolument. Ne fais donc pas la bêtise de visiter un coiffeur de campagne. Le ultra, c’est extrêmement délicat. La moindre rature ne pardonne pas. Si tu veux je t’indiquerais une adresse sur Toulouse. Venant de ma part tu ne risques absolument rien. Ce sont des vrais artistes et le rapport qualité prix est excellant.

 

-Je veux bien Chloé.

 

Mon amie est adorable avec moi. Elle ne critique pas mes goûts, les respecte et ne essaye pas de me dissuader. Au contraire, elle m’encourage de m’engager dans des nouvelles voies. Avec elle je me sens comprise dans ma féminité.

Mes pensées se dirigent une fois de plus vers M. et son œuvre fascinant. Il avait abordé Chloé, âge alors de seize ans, pour qu’elle pose pour la fameuse « Fille aux cheveux noirs ». Je l’ai lu dans sa biographie, écrite par un professionnel de la mort. Le livre est tristement vide en ce qui concerne la vie privée du peintre. Ce n’était pas un homme des mots, mais un fanatique du pinceau. Fuyant les journalistes, il a toujours su se faire discret.

Marié à Chloé C., pour les dix -huit ans de celle-ci. Lui, il en avait trente six. Un bel homme avec un regard charmant et rassurant, sur de lui, mais modeste d’après ce qu’on sait. Je me souviens de l’avoir vu une fois dans une interview à la télé. Il avait un langage simple où les choses les plus compliques devenaient accessible à tous, il savait rendre la peinture compréhensible à un large public. Quand il répondait à des questions techniques il ne se perdait pas le détail. Le tout servie avec un sourire d’une gentillesse rare, une voix calme et posée, berçant comme ces vagues qu’il avait recrées sur toile pour les rendre autrement captivantes.

 

Chloé n’a pas participé à la rédaction du livre. Elle s’est abstenue de tout commentaire et collaboration comme on apprend dans la préface. Rien de plus naturel, à peine deux mois après la disparition subite de M. Un banal accident de la route, jugé tragique par les journaux, intervenu en plein été, à une saison qui manque des émotions fortes.

 

L’épave la voiture a fait la une. Réduite en un amas de ferraille entre la voiture précédente et un camion qui n’avait plus de freinage, comme le rapport des experts a indiqué. Six mois de prison avec sursis pour le propriétaire du camion, désigné par les juges comme seul coupable, doublé d’une amende de quelque millier d’Euros. Une vie ne vaut pas cher à notre époque.

 

-Si tu veux que les hommes te regardent, il faut les bousculer un peu.

 

La voix de Chloé vient de loin et me rappelle le vent qui caresse mon visage.

 

-La plus part des hommes sont inertes et ils réagissent qu’à des stimuli assez rudimentaires. Bien sur, avant tout c’est le corps et le visage qu’ils remarquent. T’es très jolie Bella. Je m’y connais. J’ai vue pas mal de modèles défiler. T’as pas à craindre les comparaisons. Mon mari a toujours dit que la beauté dans notre culture est étrangement liée aux coloris.

Si tu changes ta coiffure et la couleur de tes cheveux, tu devrais revoir ton maquillage. Un trait de mascara noir n’est pas suffisant. Il fige ton regard et tu fais peur par ton austénite. T’as une bouche superbe, beaucoup plus belle que la mienne, mais tes lèvres sont trop pâles. A quoi servent les rouges à lèvres ? D’un côté pour le narcissisme de la femme, d’autre côté pour signaler le pouvoir de séduction. L’absence de couleur indique à l’homme en face de toi que tu veux pas de contact. Ce mécanisme était déjà connu par des peuples, dites primitives.

 

-En fait, je ne connais pas grande chose au maquillage. Ce sujet ne m’a jamais trop occupée. Ne voudrais-tu pas m’expliquer tes secrets ?

 

-Tu veux un cours ?

 

-Oui, si cela ne te dérange pas.

 

-Alors écoute. C’est simple comme respirer. Tout commence par une belle peau. À ton age c’est un cadeau du ciel, à mon âge le travail d’une esthéticienne.

Je ne me complique pas la vie. Mon maquillage du jour est toujours identique. Ma peau est légèrement matte à la base. J’utilise d’abord un unificateur de teint. Ça donne un effet impeccable à tous les coups.

Sans oublier une base hydratante qui préserve des rides et garantie l’effet bonne mine. Le résultat donne paradoxalement ce que l’on appelle un visage naturel. Lapsus révélateur de notre langue et un premier pas vers la confusion des hommes qui s’imaginent qu’un teint parfait soit indissociable à la nature féminine. 

Mes yeux sont verts. J’utilise donc un eye-liner vert clair. Ça donne un aspect plus doux à mon visage. Les hommes ne sont pas effrayés et osent me regarder. Ce sont des grands enfants pour la majorité, il faut savoir les ménager. Pour accentueur la douceur, un fard à paupières vert mousse me fait l’affaire.

Les choix du mascara et sa bonne tenue sont extrêmement importants. Je ne me sépare jamais de mon brun roche, comme tu as sûrement déjà remarqué.

Mes cheveux sont noirs, au moins ils étaient, il y a quelques années. Une bonne coiffeuse, et le tour est joué. Pour les mettre en valeur je me sers d’un blush corail qui contraste bien.

On arrive à la touche finale, les lèvres. La journée n’offre rarement occasion pour un rouge chanel. Un petit semi mat framboise et voilà le travail.

Il y a beaucoup d’hommes qui se sentent attirés comme des mouches par des ongles bien soignés et décorés. Un peut comme nous les femmes, ils attachent une grande importance aux mains. C’est d’ailleurs à travers des mains que passent les caresses. Bouche est mains vont de paire dans la séduction. Un vernis framboise ou, quand j’ai envie comme aujourd’hui, un french manucure me vont le mieux. 

Mon maquillage du soir tu le connais. Une lumineuse base teintée avec des perles de nacre et un mascara irisé font la différence avec les autres femmes, surtout avec celles qui n’utilisent pas une lotion bleue pour les yeux.

Pour les fêtes tu verras une autre fois. Ce sera ma surprise pour toi.

En fait, en ce qui concerne ton soutien gorge qui n’a pas fait raz de marée, l’explication est simple : Si l’homme ne trouve pas de point d’attache sur ton visage, son regard ne descend pas. Par pudeur souvent. Il est indécent de convoiter quelque chose quand on n’est pas invité. Par surcroît une femme derrière un bureau impressionne souvent. La plupart des hommes craignent la culture parce qu’ils la jugent ennuyeuse. Rares sont ceux qui aiment une femme pour ses connaissances.

 

On arrive dans les corbières, le soleil est brûlant.

 

-Tu n’as pas chaud avec tes longs cheveux Chloé.

 

-J’aime trop la sensation du vent qui les soulève pour me masser la nuque. C’est presque jouissif, raison essentielle d’opter pour une décapotable.

 

On parle des Cathares. Chloé me demande de lui expliquer leur religion. Il n’est pas évident de résumer une matière aussi complexe qu’une croyance en quelques phrases sans tomber dans les paraphrases, dépourvues de contenue réel. Néanmoins je suis dans mon élément. Je sais que Chloé ne me pose jamais de question pour me faire plaisir, pour me revaloriser ou m’offrir l’occasion de me profiler. Son intérêt pour un sujet est toujours sincère. Son ouverture d’esprit dénote plaisamment de mon entourage.

 

-Pour moi, la notion de Dieu est un synonyme pour ce que l’on ne sait pas. Il ne s’agit nullement des connaissances vérifiables, mais comme le nom indique d’une croyance. Alors, il n’y a pas qu’une seule approche possible : On y croît ou on n’y croît pas, même si aux moyen âge le but de la scolastique tentait à démontrer l’existence de Dieu par les moyens de la raison. Même un homme comme Descartes s’adonnait encore à cœur joie dans son discours de la méthode.

La religion cathare se base sur le manichéisme, fondé par un prophète autoproclamé, Manès ou Mani de son nom, au troisième siècle qui s’appui sur deux principes : le bien, Dieu si tu veux, et le mal, Satan. Le bien est conçu comme absence de mal et demande donc un effort perpétuel à nous d’abolir le mal par toute notre force. Contrairement au christianisme on atteint le bien par un effacement du mal (au lieu de se vouer à Dieu pour atteindre la rédemption de l’âme par la grâce comme explique Saint Augustin dans ses « confessions »). Selon les cathares le monde est une création de Satan, mais celui-ci n’est ni capable d’insuffler l’esprit, le fameux logos de Saint Jean, ni la vie, la fameuse âme. Dieu a accepté, d’attribuer autant l’âme que l’esprit à l’être humain. Hélas, les deux sont emprisonnés dans un corps charnel, l’œuvre de Satan. À la fin du temps, l’âme et esprit reviendront à Dieu, au terme d’une longue épreuve qui peut durer plusieurs vies. En prônant la réincarnation les cathares sont en telle opposition avec l’église catholique qu’une intervention militaire devient inévitable et qui amène à la fameuse croisade sur terre chrétienne, la croisade contre les albigeois comme on dit aussi.

L’abnégation de la chair est si radicale dans cette croyance qu’elle exige de ses prêtres, les « bons hommes » ou « bonnes femmes » ou encore appelles « parfaits », de s’abstenir à perpétuer ce monde de Satan par l’acte sexuel.

 

-Je ne la trouve pas très attirante, tout compte fait, cette religion, me dit Chloé.

Pas bêtement du fait que la sexualité soit mal famée, mais par son profond pessimisme qui ne se borne qu’à abolir le mal sans chercher le bien par une élévation spirituelle.

Cela ne m’empêche pas de dissocier une guerre religieuse d’une guerre motivée par un besoin d’indépendance contre une église envahissante qui ne cesse d’étaler son pouvoir. Dans ce sens, mes sympathies sont du côté des opprimés et cela vaut largement mon respect pour les vaillants défenseurs de notre région, peut importe leur croyance.

 

Je n’ai rien à rajouter à cette remarque qui témoigne d’un profond détachement religieux au profit de l’être humain, tout simplement. Encore un point en commun entre moi et Chloé et ne pas le moindre. Sincèrement je ne perçois aucune lacune en cette femme. Beauté et humanité sont en parfaite harmonie.

 

Elle divague sur Rennes le Château. Un diable qui tient un bénitier. Ce mélange d’eau avec le feu, élément propre du diable, l’intrigue. Elle n’est pas spéculatrice envers des théories ésotériques, ni envers le fabuleux trésor de l’abbé Saunière. Elle se tient à ce qu’elle voit avec ses propres yeux.


 

Perpignan est dépassée par sa rocade et B. apparaît sur les panneaux. On quitte la bretelle de la route rapide. Au contraire de ce que j’ai imaginé, Chloé a une conduite prudente. Elle est bonne conductrice, indispensable sur le réseau secondaire. Pas besoin de dépasser la vitesse autorisé. Le plaisir est lié au déplacement, pas à une sensation vertigineuse. Après tout, nous sommes en vacance. L’important c’est d’arriver vivant, a-t-elle dit. Faisait-elle allusion à l’accident de son mari ?

 

L’appartement de Chloé se situe dans un immeuble grand standing, le plus beau de la ville, juste en face de la promenade avec une vue imprenable sur la mer. Le garage s’ouvre par une télécommande qu’elle a sortie de son sac. Le garage est spacieux et offrirait abri à deux voitures sans le moindre mal. Le sol est en mosaïque, les murs en crépis pailleté. Ca promet pour le reste.

 

L’immeuble est complètement insonorisé. Quel bonheur, car le long de la promenade, seul accès ici vers l’Espagne, le bruit du trafic me rappelle ma bibliothèque.

Couloirs en marbre, tapis épaisses et deux femmes avec leurs bagages. L’ascenseur nous porte en hauteur. Une grille en fer forge ; à chaque étage une fenêtre. La mer défile. Des vagues sans son, l’écume blanche, un paysage de rêve. 

 

Dernier étage, terminus. Un seul appartement sur le pallier, une porte plutôt simple, mais épaisse et des fleurs devant la fenêtre. Je me sens un peu chez moi.

 

Un long couloir traverse l’appartement en entier. Par une porte sur la gauche nous entrons dans un vaste salon. L’intérieur est moderne, je dirais même dernier cri, correspondant aux rêves que Figaro Madame se dépêche à nous présenter tous les mois.

 

Les meubles sont clairsemés, la notion de l’espace primordial. Et de l’espace il y en a. Le salon tout seul est plus grand que mon appartement. Mais ce n’est pas cette pièce, vraiment belle à mon goût, qui m’enchante le plus. Elle débouche par une verrière sur une terrasse qui entoure l’appartement de trois côtés avec une vue panoramique sur la mer et les corbières. Du jamais vu pour moi. Chloé n’étale pas, malgré un luxe qui saute aux yeux. Elle reste naturelle. Elle n’a pas besoin de frimer. Avec un savoir faire sans pareil elle me fait partager son intimité et me donne le sentiment que je serais désormais chez moi.

 

Chloé au beau milieu de son monde et son monde est la vie.

 

On pose les bagages et je lui suis à travers d’un dressing qui n’a rien à envier d’un magasin de confection féminine, dans la salle de bains. Quoi de plus naturel pour deux femmes ?

 

 -C’est la mienne, dit elle avec un envol de fierté, en me dévoilant le sacro saint. Mon mari, désespéré par ma lenteur, a créé cet espace pour moi. C’est la pièce la mieux exposée de la maison. Il avait beaucoup d’humour. C’est lui-même qui a conçu le décor.

 

Je suis accueille par une douce lumière tamise qui s’écoule par deux pans de murs en verre, légèrement fumé. La vue surplombe la promenade et la mer. À l’angle des deux verrières se trouve une baignoire, en hauteur de deux marches.

 

Elle est en forme de coquille Saint Jacques, effet et couleur de corail lisse, entouré de marbre noir, cisèle avec des filaments d’or. Les larges rebords de la baignoire débordent de produits de bain et de beauté. Une collection d’éponges de formes différentes m’attire particulièrement.

 

En bas, sur la promenade, les gens s’entassent, ils paraissent petits. Ils ont digéré et prennent maintenant une bouffe du grand large.

 

Le mur droit est un immense miroir avec une porte que l’on distingue à peine. Devant, accessible de partout, une table de travail, digne d’un salon d’esthéticienne. Des éclairages divers sont incorporés dans un plafond, également miroitant. On se voit de partout, sur toutes les coutures. Rien n’échappe. 

 

À gauche de la porte d’entrée un double lavabo en formes des coquilles. Miroirs tailles et produits multiples, hors contenue invisible, mais certain, d’un impressionnant meuble. Je n’ai jamais vue quelque chose d’aussi beau. Je suis émerveillée par cet endroit hors du temps et hors du bruit de la rue. En bas, la vie prend son cours et moi, je n’ai plus envie de courir.

 

-Ta salle de bains est magnifique, Chloé, un vrai coin de paradis.

 

-C’est mon jardin secret. J’observe ce qui se passe sur terre en restant une déesse invisible qui prend son bain.

 

-Aphrodite, femme de Héphaïstos, ce dieu du feu d’en bas, créateur de la première femme, Pandore.

 

-Bella, tu devrais essayer d’oublier un peu tes livres. On est dans la réalité. On a fait un long voyage, il a fait chaud, on a transpiré. Je pense qu’un bain s’impose. Il y a assez de place dans la baignoire pour deux.

 

Je me sens déconcertée de prendre un bain avec Chloé. Je suis trop pudique. Puis je pense qu’après tout, au bout deux mois d’amitié, je pourrais mettre ma pudeur de côté. Je me dis en même temps que je pourrais aussi en parler à Chloé, à elle, qui est si compréhensive, à elle qui n’est jamais distraite, mais toujours distrayante, déstressante, délassante. Alors je me lance à lui parler tout simplement de la même manière qu’elle me parle.

 

-Tu sais Chloé, je n’ai jamais pris de bain avec une autre personne. Je suis un peu affolée à l’idée d’être si nue devant toi.

 

-Oh Bella, tu as un sens très biblique de la pudeur. La fameuse feuille de vigne. Comme tu as dit, nous nous trouvons dans un coin du paradis. Alors regardons un peu la bible. L’histoire du pêché originel est quand même étrange. On offrant la pomme, Eve incite Adam à enfreiner une loi interdisant de manger le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Mais cette connaissance s’avère bien empoisonnée. Adam prend conscience de sa nudité, l’associé au mal et à la honte. Au lieu d’avoir honte de son acte, il a honte de son corps ou plus précisément - selon les écritures - de son sexe qu’il cherche à cacher. Pourquoi de son sexe, pourquoi pas de sa tête qui à décidé de manger la pomme, de sa bouche qui l’a croquée, de sa main qui l’a touchée ? Peut être, parce que le terme connaître a bibliquement un deuxième sens et la pomme n’est qu’un symbolisme pour cacher autre chose. Donc une conclusion facile peut s’imposer à ceux qui veulent à tout pris interpréter : montrer son sexe correspond à une allusion à la sexualité ce qui est considéré comme le mal. Cela me rappelle étroitement la philosophie cathare dont tu m’as parlé sur la route.

Mais la bible fait encore plus fort en disant : Adam cache sa honte sous une feuille de figuier. Quel terminologie baroque : Soit à l’époque de Moise le mot hébreux pour sexe est déjà synonyme de honte, soit Moise était un homme pudique, soucieux d’éviter toute grossièreté verbale, soit la pudeur incombait le traducteur.

Voila un discours digne d’une bibliothécaire.

 

-Effectivement (je parle en souriant) vu sur cet angle (et je continue à sourire pour cacher et surmonter ma gêne) je jette mes habits et je t’assure que je vais relire la bible sous un autre œil.

 

Peut-être ne reverrais-je plus jamais un endroit aussi beau. Enchantée par l’ambiance, je suis amusée à l’idée de faire quelque chose pour la première fois.

 

En me tournant vers le mur de miroirs je dis à Chloé :

 

-Pour aujourd’hui la pudeur se fait discrète. J’aimerais qu’elle s’envole pour toujours. . . Crois-tu que ça se guérit dans des baignoires païennes ?

 

Chloé me connaît ; elle sait que j’ai besoin que l’on m’entraîne pour que mes premiers pas dans un pays inconnu se passent en douceur. Par le jeu des miroirs, j’ai Chloé devant mes yeux. Je me sens un peu comme un voyeuse. Je ne peux pas nier que j’éprouve du plaisir d’assister à la scène.

 

Chloé délace ses sandales avant de quitter sa robe. Mis à part un string blanc en dentelle de Calais elle est nue. Malgré son âge, elle possède des seins d’une jeune femme.

 

Quand elle enlève son string une surprise de taille m’attend auquel je m’y attendais pas. Son sexe est entièrement lisse. Chloé n’a pas le moindre poil. Tout est visible. Je ne vis pas derrière la lune. A. n’est pas le bout du monde et je lis beaucoup. Je sais que l’épilation intégrale est à la mode en ce moment. Mais tout de même.

 

Ce qui me déstabilise est le fait que je n’ai jamais vue une femme épilée auparavant, à part sur des photos. Je n’ai pas rencontré non plus, au cours de ma vie, une copine, adepte de telles pratiques.

 

Puis doucement, l’effet de la surprise digéré, mes pensées se structurent, me dévoilant mes véritables sentiments. L’idée de m’épiler entièrement me trotte dans la tête depuis quelque temps, bien avant de rencontrer Chloé. Je ne suis pas passée à l’acte parce que j’ai besoin d’être rassurée et je n’ai trouvé personne pour partager mes idées. Quelqu’un d’attiré par cette mode comme moi et qui – de préférence – ait déjà essayé et qui puisse me parler de ses impressions et me communiquer ce qu’il ait ressenti. Enfin l’occasion se présente dans le meilleur des contextes. Ma gratitude envers Chloé est sans limites.

 

Chloé, comme d’habitude est parfaitement sereine. Elle s’approche de la baignoire et fait couler l’eau. Je n’arrive pas à bouger et - me connaissant- je dois avoir une drôle de tête.

suite chapitre 4.3


 


Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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