Lundi 1 septembre 1 01 /09 /Sep 20:19

                            RÉFLEXIONS À LA BIBLIOTHÈQUE

 

 

Trouver la bonne réponse, voilà un sujet qui me hante dès lundi matin, dès l’ouverture de ma bibliothèque. Mon monde est partagé en deux : mon travail constitue ma vie pendant la semaine, séparé par un fosse désormais franchissable et qui me relie avec l’univers luxurieux que je découvre grâce à Chloé. Au début la chevauché d’un monde à l’autre n’existait que dans ma fantaisie. Je constate avec satisfaction et fierté le changement qui s’opère en moi.

 

Petit à petit je remplace mes rêves érotiques par des expériences inoubliables qui bâtissent un nouveau vécu. J’ai dépassé le stade d’adolescente attardée car mes désirs se confondent enfin avec la réalité.

 

Il est vrai que la première chose que l’enfant apprend, c’est la dépendance aux autres et leur échelle de valeurs. L’adolescence est un processus autant plus douloureux et difficile parce qu’il nécessite obligatoirement un conflit avec la génération précédente contre laquelle il faut s’affirmer par sa propre personnalité, encore fragile et en cours de construction. L’indépendance n’est jamais un cadeau qui tombe du ciel, mais le résultat d’une évolution permanente et bien voulue. Il faut du courage et de la persévérance. J’ai grandi dans un climat qui n’acceptait et qui ne vantait que la liberté de la consommation, cette forme perverse de dépendance dont se servaient habilement mes parents pour détourner l’attention de mon jeune esprit qui s’éveillait. J’ai dû me battre durement pour des valeurs que je considère comme essentiels, tel que le droit à la découverte, à l’expérience, l’accès au libre choix et l’autodétermination de mes actes. Sur ce chemin je me suis égarée en me réfugiant dans mon imagination et mes pensées. J’ai cru naïvement en agissant ainsi de surpasser mon rôle d’observatrice pour devenir actrice sur la scène de la vie. Comme on peut se tromper. Enfin et ne pas trop tard je me suis ouverte au monde qui m’entoure et où j’interviens par mes actes. Éprouvé du plaisir c’est vivre intensément. Dans mon cas précis la pensée servait d’échappatoire à une existence qui me semblait trop pénible. Mis à part mon travail, elle n’était qu’une suite de déceptions. Je ne reporte pas la faute sur les autres, peut-être cela venait de moi et j’étais incomestible par peur et pudeur.

 

Des souvenirs pénibles de mon enfance se réveillent, surtout de mon adolescence : les seins qui poussent, les premières règles et un rejet total de ma féminité. J’ai essayé de compenser ce manque par mes lectures et j’ai cru avoir bien réussie.

 

Puis Chloé est apparue. Elle me met on conflit avec moi-même, secoue les fondations de ma personnalité, me force à confronter ce que je suis et mettre en œuvre ce que j’aimerais être. Elle est mon avenir et je ne vois pas encore la fin de cette évolution qui obsède mon esprit. La pudeur est ébranlée, elle s’effrite pour se transformer en poussière. Je suis choquée de moi, j’ai honte de moi et pourtant, la nouvelle Bella qui s’installe m’intrigue, me passionne, m’excite. Elle est remplie d’envies, trop longtemps séquestrées et elle prend avec force ce qui lui appartient. Elle maîtrise encore mal ses nouveaux pouvoirs. Déçue dans mes sentiments, déçue dans mes rapports avec mon entourage, mes ambitions avaient pris un sérieux coup de vieux avant terme et se sont rouillées. Difficile de remettre correctement la machine en route.

 

Les forces déchaînées sont extrêmement puissantes. D’abord je dois apprendre à les connaître, de me familiariser avec, de viser un but, sinon ce serait la catastrophe. Mais je préfère un chamboulement sur mon nouveau chemin que le gâchis dans lequel j’étais en train de me momifier. Place à la liberté et le droit à un réveil tardif, loin des regards indiscrèts qui savent associer mon visage et mon corps à un nom et une famille. À Banyuls je ne possède qu’un prénom, je suis Bella trop court. Rien ne m’est interdit mis à part ce que je m’interdis moi-même. Les barrières tombent, je veux rattraper ce que n’ai pas encore vécu et c’est beaucoup,… beaucoup trop.

 

Que s’est-il vraiment déroulé ce week-end ? Comment Chloé a pu m’entraîner dans un tel tourbillon ? Comment ai-je pu me laisser aller à ce point ? Je cherche la solution dans les livres, je me documente sur les vertus du sauna. Il nettoie la peau en dilatant les pores, enlève les points noirs, élimine les toxines et donne un teint éclatant. Je ne suis pas avancée de beaucoup. Par contre les huiles de massage me mettent sur la bonne voix. J’apprends sur la chimie de la sexualité. Quand on active les centres olfactifs dans la bonne mesure et on stimule en même temps le corps par des caresses, une puissante réaction lève les inhibitions. Là, je saisis mieux. Chloé a préparé ma peau aux caresses par le biais du sauna, en enlevant tout les odeurs naturelles et en les remplacent par des huiles plaisamment agréables au moment du massage. D’où mon déchaînement.

 

Je suis en train de me mentir et je rejette mon avidité sensorielle sur le compte de Chloé. J’ai évité précautionneusement le souvenir de notre ménagerie érotique qui précédait le sauna. Elle ne s’excuse par rien, d’ailleurs il n’y a pas besoin d’excuser un acte entre adultes consentants. 

 

Chloé savait d’avance que le lendemain matin je devrais culpabiliser à mort. C’est là, où j’ai trouvé la cravache. Mon sur-moi freudien, c’est-à-dire l’image que je me fais des valeurs de ma mère, désapprouvait le comportement de Chloé, et moi, Bella je suis tombée à fond dans le piège. J’ai voulu punir Chloé pour mes propres envies, la punir comme une morveuse adolescente, symbolisée par l’absence de poils. Je ne me croyais pas si torturée.

 

Je me découvre ce matin capable de jalousie. On devient jaloux quand on développe des sentiments trop forts à l’égard d’une autre personne, quand on est tributaire d’elle, quand on s’imagine que l’on à tout à perdre en ne voyant plus cet être.

 

Viennent mes fantasmes de soumettre Chloé à mes caprices et délires du fait que je ne puisse plus m’en passer d’elle et que j’aie peur que quelqu’un d’autre me la vole, comme si elle m’appartenait comme un objet ?

 

Chloé est un être à part, indomptable et en aucun cas un objet. Elle est le centre unique et incontournable de mes pensées, cet univers où je régnais en seul maître avant notre rencontre. Voudrais-je dompter cette femme pour une raison aussi bête ? Pourquoi le fait de la soumettre à ma volonté m’excite ? Voudrais-je me venger sur elle pour une vie entière que l’on m’a volé en m’imposant des tabous qui m’étouffaient ? 

 

Une fessée appliquée à Chloé efface-t-elle mes propres taches en les remplacent par le rouge de la pudeur ? Oui, la fessée fait apparaître le rouge de la pudeur qui manque à Chloé, mais qui est indispensable pour moi, pour me rassurer, pour ne pas perdre complètement mes repères.

 

Pourtant ma pudeur est partie, chassée, échangée contre un exhibitionnisme agressif qui me réjouit à chaque pas, à chaque respiration. Néanmoins l’envie de fesser Chloé persiste avec ténacité. Je ne cherche plus le pourquoi mais le comment. Encore un pas important pour m’accepter telle que je suis. J’ai une folle envie que mon amie passera à la casserole, qu’elle se mette sous mes ordres.

 

Je suis confuse, il faut structurer, ranger comme mes livres sur les étagères ; par catégories, par thèmes. Les gens ne sont pas des livres qu’on feuillette à sa guise. Pourtant Chloé s’est ouvert à moi et je la découvre chapitre par chapitre. Je suis heureuse.

 

Une idée étrange s’incruste : on ne me paye pas pour fantasmer mais pour classer. Chloé est inclassable. Elle fait partie de tous les rayons. J’ai envie de remplir ma bibliothèque avec un seul livre : Celui de Chloé.

 

Je suis jalouse de sa vie qui ne se déroule pas dans une histoire inventée, mais dans la réalité. Mes mots sont imprimés sur du papier, des feuilles, les siens sont sonorité, onde percutante, vivacité exprimée à haute voix, omniprésentes à chaque pas que je fais, dans ma bibliothèque, à l’extérieur, partout.

 

Chloé ne laisse pas indifférent, elle laisse son empreinte, elle inspire. Son futur mari a été inspiré par « la fille aux cheveux noirs » et il a su la transformer en œuvre d’art inaltérable.

 

Admirée sur une multitude de tableaux extraordinaires, Chloé a su faire – par sa simple présence - la différence avec des innombrables modèles qui ont défilés au fil de années devant son mari. Elle a su les effacer toutes.

 

C'est son tableau qui est entré dans la postérité et que l’on retient on pensant au peintre M. Lui-même n’avait pas de visage. Il est resté anonyme. On met le visage de Chloé sur son nom. Le modèle Chloé efface l’artiste, des quoi à être jalouse. J’aimerais sa place dans la vie. Être courtisée comme elle, à chaque sortie. À côté d’elle il n’y a pas de place pour moi, je deviens transparente, invisible, malgré mes apparences provocatrices. Et justement cette invisibilité est ma bouffe d’oxygène. Même si je me délivre complètement, je ne peux grandir en toute sécurité qu’à l’ombre de Chloé et ainsi prendre l’habitude de mon nouveau moi en société.

 

Chloé s’impose dans mes pensées, dans ma façon de considérer les choses. Si je n’arrête pas cette tendance je risque de disparaître. J’essaye à compenser en voulant dominer Chloé dans son intimité, dominer son corps parce que je suis séduite par ses idées qui sont plus fortes, plus jouissives, plus intéressantes que les miennes. Je suis jalouse qu’elles viennent d’elle et ne pas de moi. Moi aussi je veux imposer le plaisir. Mais Chloé n’impose rien. Elle n’a pas besoin. Le fait qu’elle existe suffit. Elle est utile à tout le monde. Moi, je ne sers qu’à classer des livres, expliquer mes rayons. Il n’y a aucun côté charnel dans mon travail. Chloé est plus qu’une séductrice, elle incarne l’extase. Oui, le plaisir me suffit plus, je veux distribuer l’extase comme elle, commander l’extase des autres par tous mes moyens.

 

Je ne veux plus être invisible. Je voudrais être jugée sulfureuse comme Chloé, provoquer des attroupements et des scandales, être tenue pour responsable de rêves inavouables que je collerais sur la réalité. Passer à l’acte c’est plus qu’être, c’est exister. Perdre la honte des ses actes est un premier pas vers la responsabilité, vers la plénitude. Assumer mon corps et mes désirs est la liberté de ma propre féminité. Si je domine Chloé, je domine mes désirs. Ce serait moi qui assurerais le spectacle. 

 

La vie n’attend personne, il faut se dépêcher et je serai là. Je suis seule dans la salle. Je prends le téléphone pour appeler Chloé. Je tombe sur son répondeur. Sa voix chaleureuse m’accueille. Le message m’intrigue :

  -Bella, ma petite chérie. Je suis indisponible pour le moment. Je sais que tu t’ennuies dans ta bibliothèque et que tu penses à moi. J’ai des courses à faire pour te préparer une surprise pour ce week-end. Tu me manques. Je t’embrasse passionnément sur tes lèvres et partout ailleurs. À bientôt !

 

Je laisse un message. Quel genre de jeu est-elle en train de préparer. Je suis émue et impatiente. La journée s’étire comme de la raclette. J’attends un appel de Chloé. Le silence m’entoure. Le téléphone ne sonne pas. Les abonnés sont absents. Je suis triste, je me sens abandonnée. Midi. Pas de nouvelles. J’en veux à Chloé qui n’est pas disponible, qui ne m’a pas laissé la possibilité d’un message. Pourquoi ? Peut-être souffre-t-elle que je ne sois pas avec elle. Elle ne veut pas se contenter d’un message, elle ne veut pas entendre ma voix au bout d’un fil. 

La semaine s’écoule lentement. Je reste sans nouvelles de Chloé. Le message au téléphone persiste. Malgré moi des soupçons se réveillent.

Suis-je sa compagne du week-end ? A-t-elle une autre compagne dans la semaine avec laquelle elle partage une autre passion ? Chloé ne m’a jamais parlé de fidélité entre nous. Je sais qu’elle s’engage de temps en temps dans des aventures. Suis-je aussi une aventure pour elle, un passe-temps.

 

Non ! Elle m’a ouvert sa maison. Je dois compter plus pour elle que les autres, je suis plus qu’une simple amourette. Qu’apprécie-t-elle en moi ? Ma culture ? Mon physique ?

 

Mon corps est celui d’une adolescente, la cellulite en plus. L’idée me hante comme toutes les femmes coquettes. Mes cinquante quatre kilos m’obsèdent. Quand je me sens seule je fait des régimes. La solitude me coupe l’appétit. Une chance. Mes copines d’école ont toutes pris du poids. Serais-ce la suite logique du mariage ? La sécurité empâte-t-elle ?

  

Malgré mes apparences de punkette je suis une femme de vingt-sept ans. Je suis loin d’être bête. J’ai du caractère aussi. On ne m’impose rien. Mon ex-mari avait vite compris. Je n’aime pas le mensonge et moins encore la duperie. Je suis ouverte aux arguments, à la franchise, à la discussion. Un couple est une aventure à deux qui doit se préparer comme un long voyage. Il ne faut pas laisser trop de place au hasard. Il ne faut pas non plus jouer avec les sentiments de son partenaire. J’ai horreur qu’on joue avec mon amour. Mon mari m’avait trompé, alors je suis partie. Ses regrets sont venus trop tard. Je ne reviens jamais sur une décision. Le divorce s’est imposé. Je ne peux pas construire un avenir sans confiance.

Et Chloé dans tout ça ? Elle ne me déçoit jamais parce qu’elle ne promet jamais rien. Elle est toujours ponctuelle dans nos rendez-vous. Cela me met plus en confiance que des grands discours.

Et puis, les choses se sont faites tout naturellement, dans un climat de bien-être.

 

Et maintenant je peux plus m’en passer d’elle à un point de me rendre jalouse. Elle savait dès la première rencontre que mon non-vécu justifie mon manque d’expérience, que ce manque est dû à une absence d’initiative. J’ai besoin que l’autre fasse le premier pas. Dans ma bibliothèque je suis parfaitement à l’aise. Ce sont les lecteurs et lectrices qui viennent à moi.

 

Chloé savait aussi que j’ai besoin de douceur pour m’embarquer dans des nouvelles aventures. Elle est au courrant de mes peurs qui concernent l’inconnue. Vu sous cet angle, je suis un enfant qu’il faut prendre par la main. Chloé m’a prise par les deux mains. Elle m’a fait cadeaux de sa connaissance au musée, devant son tableau, en s’adressant à moi. Moi je n’aurais pas osé de l’aborder.

 

Elle a su me guider vers moi-même, sans montrer la moindre impatience. Et maintenant c’est moi qui s’impatiente, dévorée par une passion qui me dépasse. Je suis de plus en plus énervée, non, je suis en colère contre Chloé. J’essaye de me calmer. Rien à faire, je ne me maîtrise plus. Une foulé de fantasmes se libère la nuit, quand je suis seule dans mon lit.

 

Chloé mérite plus qu’une punition dans mes rêves. Je suis encouragée par la cravache rouge, si négligemment posée sur son chevet. Elle l’avait fait express. Personne ne l’avait oublié parce que personne à part moi n’entre chez Chloé. La cravache était un signe pour moi seule. Mon amie avait deviné mes secrets intimes.

 

Elle a compris le mécanisme pour libérer l’ancienne Bella, mon mode d’emploi en quelque sorte. Elle connaît les étapes nécessaires pour arriver en douceur à cette transformation. Le bain fut la première étape, la cravache en est une autre. Indispensable que moi aussi, je puisse accéder à la concrétisation et sublimation de mes désirs sans la moindre retenue. Le message est clair.

 

Chloé me voit comme son égal, pas en petite bibliothécaire à initier au plaisir saphique et à pervertir. Je suis sure que ses sentiments pour moi sont aussi profondes que les miennes. Elle aussi est emportée par la passion. Elle m’en n’a pas parlée pour ne pas m’effrayer. Elle me laisse le temps de me découvrir. A-t-elle prévu tout ça à notre première rencontre ? Alors, pas besoin d’être jalouse, pas besoin de punir Chloé.

 

L’explication de son comportement est simple : elle aussi est à la recherche des sensations nouvelles, des nouveau jeux, des nouveaux plaisirs. Elle a horreur de la répétition. Chaque personne apporte sa touche personnelle aux ébats amoureux.

 

Entre le fait de punir une personne pour son comportement et un jeu érotique autour de la domination, il y a une différence. Un abîme qui sépare. J’ai compris la leçon. Le jeu me sert comme une béquille tendue par Chloé. J’ai n’ai pas le courage de me monter en initiatrice devant elle, sauf dans un jeu de rôle où c’est moi qui ai l’emprise complète sur elle. La cravache comble le courage qui me manque. Hors ce contexte, je ne peux pas être encore vraiment moi, me déchaîner comme je voudrais, comme elle voudrait. Elle ne me veut pas en partie, elle me veut entière. Le manche est tendu vers moi, à moi de le saisir. Chloé ne sera pas déçue par mes mises en scènes ce week-end.

 

suite

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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