La fille aux cheveux noirs

Lundi 12 janvier 1 12 /01 /Jan 23:47

PARIS EST UNE BRUNE 3

 

  -Avec ta question, ma chère Bella, tu soulèves une problématique qui est si caractéristique dans les rapports humains que depuis la nuit du temps les philosophes se sont penchés dessus : la contradiction des opinons. Pour trancher net il faudrait que quelque chose que l’on puisse appeler « la vérité » existe. Or s’il y a toujours débat. Personne n’a encore trouvé une solution qui contente tous le monde.

Je ne voudrais m’attarder sur les raisons multiples de la contradiction, mais sur son rôle dans l’histoire humaine.

Je distingue trois manières différentes de s’approcher à ce dilemme.

  La première m’est inspirée par Platon qui demande une science pour mieux saisir le monde des idées. Dans ses dialogues il essaye de cerner les concepts abstraits et de les définir le plus précisément possible pour les rendre accessibles à tous. Il se sert d’une méthode qu’il appelle dialectique et qui consiste à déstabiliser la position de l’interlocuteur par des questions habiles et de le pousser à la contradiction ; pas pour la vaine raison de démontrer sa supériorité intellectuelle, mais pour repousser les limites des connaissances humaines. Un dialogue bien mené est donc profitable pour les deux protagonistes.

La contradiction entre Sartre et Heidegger est essentiellement due à une différence de la définition du mot « existence ». Pour Sartre « existence » désigne une présence effective dans ce monde qui convient autant à l’homme qu’à un objet ou un animal. La restriction sur l’homme seul se fait par un changement de vocabulaire, c’est-à-dire en passant de l’existence à l’existentialisme. Selon Sartre chaque humain est libre de se donner une essence de son choix, un sens de vie si tu préfères, car l’essence n’est ni innée, ni octroyée par un être supérieur.

   Pour mieux comprendre l’approche de Heidegger il faudra se référer au mot « dasein » que l’on traduit chez nous parfois négligemment par existence. « Dasein » en allemand contient des multiples facettes : être présent consciemment dans ce monde et dans l’instant précis avec les autres humains. Par conséquence dans cette terminologie le terme existence n’a un sens uniquement pour l’être humain, seul à posséder la capacité intellectuelle d’avoir conscience du dasein, se différenciant ainsi des animaux et objets.

On se rendant compte des possibilités que la vie offre, on comprend où Heidegger veut en venir. Il faut être vivant pour jouir des potentialités de la vie et il faut profiter de cette essence tant qu’on est vivant.

  J’ai attentivement écouté le discours de Jean. Ces mots me font chaud au cœur. Je me sens exister et j’ai envie d’embellir à travers de mon « existence effective dans ce monde » celle de mon invité. Je fais glisser ma jupe selon les règles d’un strip-tease le long de mes jambes, la rattrape par le bout d’un de mes pieds et la balance vers Jean. Je suis devenue extrêmement habile à ce jeu grâce à un entraînement régulier qui me permet par-dessus du marché de garder un corps mince et tonique.

Les hommes, même aussi instruits que Jean, restent des grands enfants par leur émerveillement pour le corps de la femme. Il rapproche ma jupe à son visage pour mieux connaître mon odeur. Ses traits sont lumineux ce qui signifie une bonne compatibilité des odeurs. Je n’ai plus aucun doute, il est conquis par moi. Mais l’attirance est réciproque et il me tarde qu’il continué son strip-tease intellectuel. J’ai envie qu’il me dépose des nouvelles pensées à mes pieds.

 

J’aime quand on m’explique des choses. Aucun livre ne replace la chaleur d’une voix humaine. Les mots sont toujours une forme déguisée des pulsions et par la sonorité de la voix le désir sous-entendu communique le bonheur d’être vivant, de découvrir et de séduire l’autre.

Par mes gestes je fais comprendre à Jean que j’enlèverai mon string uniquement s’il continue. Il semble bien familier avec le langage du corps et s’applique aussitôt. J’adore les hommes qui savent se maîtriser et qui ne perdent pas le fil devant la tentation de la chair. Ce petit jeu, si légèrement sadique de ma part, comble mon sens d’exhibitionnisme. Exciter sans être obligée de passer à l’acte, pas tout de suite au moins. J’aimerais tellement que Jean perde ses moyens devant moi. D’un autre côté je préférais qu’il me domine par son sang froid et qu’il me laisse sur ma faim.

  -La deuxième approche à la contradiction vient directement de la science naturelle qui avait besoin d’un Einstein pour clore la physique classique par la théorie de la relativité, utilisant pour le terme « théorie » la définition de Mach : une théorie est un résumé d’observations sous le principe de l’économie de la pensée.

Tout est dit dans cette définition et le meilleur moyen d’économiser la pensée, de la réduire au strict nécessaire, c’est de l’exprimer par la mathématique. Pour cette raison la relativité reste hermétique pour la plupart de gens. Il s’agit d’un concept qui ne s’explique pas par les mots, mais par des formules. Contrairement aux idées de Platon il est possible de tester une théorie par les moyens d’expériences et d’observations et ainsi de vérifier si elle s’accorde à la réalité.

Effectivement cette théorie permet de concilier la contradiction entre une attente a priori qui présume des vitesses au-dessus de celle de la lumière et l’observation réelle que la vitesse de la lumière reste toujours invariable et ne soit jamais dépassé. On appliquant les transformations mathématiques de Lorentz tout s’accorde. En ce qui concerne la fameuse contraction du temps ou de l’espace, il s’agit d’une interprétation verbale de ces transformations. Là dedans résidait le génie d’Einstein, mettre des mots et des images sur des notions abstraites. Ainsi le temps et l’espace perdent leur statut absolu et deviennent relatif. Einstein possédait donc une science fiable, dont rêvait Platon, pour trancher devant un problème jusqu’alors inexplicable.

  J’ai un peu de mal à comprendre car les math ne sont pas mon terrain de prédilection. La voix de Jean est si agréable que je ne suis pas gênée par mon ignorance. Jean a l’air de posséder une patience inépuisable. Après tout c’est son métier. Un bon enseignant ne se décourage pas devant ses élèves, mais obtient des résultats à force de répéter. Niveau science l’élève Bella est un vrai cancre et je me vois déjà, conformément à mes fantasmes, punie et mise au coin par le prof Jean devant les autres étudiants. J’arrive parfaitement à suggérer cette scène par ma danse en baissant mon string d’une manière qui n’a jamais auparavant manqué d’effet. Selon le caractère de l’homme en face de moi, soit il me plaque de suite par terre pour me faire de l’amour avec ardeur, soit il me punit d’abord pour ma frivolité sans retenue. Je me rends compte que Jean est unique dans son genre. Je n’ai jamais vue un calme aussi imperturbable chez un homme. Mais justement ce calme me donne des zèles pour me surpasser, car il s’agit du moteur de mon excitation.

 

  -La troisième approche se réfère à Hegel qui voit dans la contradiction le moteur de l’histoire humaine. Dès qu’une nouvelle pensée (thèse) arrive, elle est aussitôt controversée (antithèse ou négation). Seul la synthèse des positions antagonistes permet l’approche la plus réaliste à la question posée. Cela implique que la vérité ne soit jamais absolue, mais relatif et toujours un enfant de son époque. 

  Personnellement je serais tenté de dire que la terminologie de Heidegger me paraît plus séduisante que celle de Sartre par la netteté de ses définitions, la plus apte à éviter des confusions inhérentes aux insuffisances du langage, but visé de chaque forme d’écriture digne de ce nom.

  J’accorde une petite pause à Jean en dansant devant lui en porte-jarretelles, bas résilles et mes bottines fétiches. Visiblement il apprécie le spectacle. J’ai devant moi un homme heureux, souriant qui me remercie avec ses yeux qui n’expriment nullement un désir bestial, mais qui savent savourer le côté esthétique de l’érotisme. Pas par le fait que ce soit la bibliothécaire, la plus sexy de France qui se produit en spectacle privé, mais parce que c’est moi, Bella, une femme qu’il apprécie pour l’ensemble de ce qu’elle représente.

  Avec Chloé j’ai compris que la jouissance peut se vêtir de mille visages. J’ai appris sur moi-même que le fait de savoir, de me cultiver me procure autant de sensation que les fantasmes que j’ai mis en scène au cours de mes aventures. Peut-être une expérience me manque encore : la jouissance qui cache dans l’acte amoureux entre un homme et une femme. La tendresse de se confondre, de se sentir « un ». Avec Jean tout me semble possible, même l’amour comme sentiment. Ce ne serait certainement pas pour aujourd’hui, mais comme lui, je ne suis pas pressée. C’est un homme adorable, aussi rassurant à sa manière que Chloé et j’ai envie de lui livrer tous mes secrets.

  Je n’ai pas encore parlé de mon rapport étrange avec la déglutition. Je suis avide de me goinfrer autant des sensations gustatives que des belles pensées. En fait, nourriture matérielle et spirituelle se confondent en moi et semblent me procurer une forme d’extase que je n’ai pas pu encore expérimenter, faute de partenaire brillant.

 

Mon nouvel amant reste stoïque. Quel homme exceptionnel.

  -À travers de la pensée nous prenons conscience des conditions qui déterminent notre vie. Ce constat est souvent peu glorieux. Notre destin ne correspond pas à nos vrais désirs. Il est donc grand temps de trancher entre nos vraies envies et ceux que le sens commun nous propose, ce que Heidegger appelle la dictature du « On » et qui constitue la véritable chute du paradis.

Mais comment faire pour s’ouvrir correctement au monde ?

Pour cultiver une conscience authentique de notre condition et pour une interactivité parfaitement assumée avec le monde, il me semble intéressant de m’attarder sur ce que l’oracle de Delphes avait choisi comme devise : connaît-toi toi-même, impliquant : tu n’est pas un dieu, mais un être humain.

Kierkegaard dit : « Dieu n’existe pas, il est éternel ».

Cette phrase devient compréhensible par l’étymologie du mot existence (existere en latin ou encore ek-stase en grec) : sortir d’un état vers un autre qui veut dire que l’être humain – contrairement à Dieu - est mortel. D’où l’origine de l’angoisse et le besoin de se créer un être éternel, Dieu.

Avec Heidegger on prend conscience de deux choses : « L’homme est sa propre finitude et au-delà il n’y a rien «. Mais devant nous s’étend la merveille des merveilles : qu’on existe, qu’on respire, qu’on puissent jouir de la vie, apprendre, comprendre le monde, avoir des sentiments sans oublier la cerise sur le gâteau, la différence entre hommes et femmes.

  En léchant et suçant doucement mon jouet-repas les mots m’entrent directement dans ma tête. Je comprend que j’ai échappé belle à la dictature du On, en me réfugiant dans l’ek-stase. Je suis sortie de la peau de l’ancienne Bella en laissant mes plumes (veut dire mes cheveux et poils) pour devenir une autre qui réussit à mener une vie authentique en se foutant des grands prêtres du On. Je ne regrette pas mon choix, je me sens richement récompensée par la vie. En ce moment je suis en train de découvrir un moyen de plus plaisant pour me cultiver. Je suis avide et j’augmente la cadence et l’intensité de mes succions.

  Jean comprend mon allusion et continu.

  -Heidegger dit : «L’existence est conscience de font en comble ».

La psychanalyse me semble un excellent outil pour un ménage de font en comble des bases de la conscience humaine, car l’homme ne naît pas avec une conscience. Elle se construit au fer à mesure.

Freud établi ses limites par l’analyse de la partie de nous qui est irrationnelle et dont on n’a pas conscience, mais qui intervient dans nos actions. 

« L’existentialisme se présente comme une tentative résolu de réintégrer la liberté dans le fondement même de la condition humaine ».

Cette réintégration ne peut se faire que sur des bases rationnelles et saines, c’est-à-dire en connaissant parfaitement les irrationalités qui nous gouvernent et qui sont singulier et propre à chacun de nous et dont l’origine se trouve dans la psychogenèse. Or, la phychogenèse se présente sans une analyse comme un noyau mystérieux, à l’intérieur de nous-même, voilée par l’oubli et le refoulement. Il est grand temps de lever ce voile pour passer à une conception authentique de vie qui nous distancie du On ; on prenant conscience de l’origine et du mécanisme de notre dépendance envers les autres, particulière pour chacun de nous, acquise par les moyens de l’éducation et notre histoire personnelle qui est notre vie. Comme dit Sartre : « quand une fois la liberté a explosé dans une âme d’homme, les dieux ne peuvent rien contre cet homme-là ». Seul un être qui prend connaissance de sa véritable individualité peut réaliser sans angoisse intérieure sa propre ouverture au monde et aux autres êtres humains. Pour arriver à accomplir cette démarche il faut bien évidement de la volonté et de la motivation, ou en parlant avec Heidegger, « il faut s’attribuer une volonté interne pour pouvoir-être ».

  Jean a tenu promesse. Il est arrive à la fin de son discours sans broncher, mais finit par éjaculer quelques secondes plus tard. Il a gagné notre pari et je suis à lui. Il m’a bien méritée. J’ai l’impression que le préservatif m’empêche d’ingurgiter son savoir. Il serait ridicule de prétendre qu’une femme jouit physiquement par une fellation. Cela relève plutôt des fantasmes masculins. Mais j’ai jouie dans ma tête et cette expérience est le début d’une longue histoire d’amour.

  J’aimerais clore ce livre par deux citations de l’écrivain favori de Chloé, la merveilleuse Simone de Beauvoir. Peut-être elles aideront les femmes qui - comme moi – rencontrent des sérieux problèmes dans leur vie par le simple fait qu’elles soient nées du mauvais côté, en étant femmes.

  « Il est absurde de prétendre que l’orgie, le vice, l’extase, la passion deviendraient impossibles si l’homme et la femme étaient concrètement des semblables ; les contradictions qui opposent la chair à l’esprit, l’instant au temps, l’absolu du plaisir au néant de l’oubli ne seront jamais levées. »

   Et aussi : «L’existence n’est pas seulement un destin abstrait, elle est avenir et richesse charnelle. La chair n’est plus souillure, elle est joie et beauté. »

 

FIN

(isabelle183 ; Février 2006)

 

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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Mercredi 24 décembre 3 24 /12 /Déc 16:14

PARIS EST UNE BRUNE 2

 

Et voilà, nous y sommes : L’amour est un sentiment qui né de la contingence et du hasard. Etre à Paris relève du contingent, car je me suis donnée les moyens pour créer ma vie. Commencée par la peinture et la découverte de l’œuvre de M et de la sublime Chloé.

Le hasard habite de l’autre côté de mon couloir. Il s’appelle Jean, prof de science à la fac et philosophe dans ces heures perdues ; avec un look d’enfer de savant fou. Divorcé depuis des années, la mi-quarantaine, il me rappelle parfois le professeur Unrat (ordures, immondices en allemand) du célèbre film de Sternberg : L’ange bleu. Je trouve que Heinrich Mann a été un peu dur en appellant son professeur d’un tel nom. Jean est particulièrement distrait, je dirais même tête en l’air et il a su garder une coiffure qui doit dater avant ma naissance. Ses vêtements trahissent soit une recherche élaborée dans le démodé, soit une méconnaissance totale des goûts actuels. Je n’ai pas encore percé ce secret.  

  Il se nourrit uniquement du surgelée comme je constate à chaque fois quand je le croise au supermarché du coin. Il est très poli avec moi, sa voisine, et terriblement timide. Il me connaît autant en Bella, qu’on « fille aux cheveux noirs », mais ne se doute sûrement pas de mon passé. Je le vois mal à acheter des revues de charme ou lire des journaux. Il est un peu perturbé par le fait de me rencontrer tantôt en femme d’affaire avec un tailleur strict et hauts talons, tantôt en rêveuse romantiques quand j’ai envie de flâner avec une chevelure à mi-dos, des jupes amples et des couleurs pastels. Tantôt en punkette hyper branchée ; ou devrais-je dire « gothique » maintenant car j’ai monté l’échelle sociale et j’ai pris de l’âge pour ne plus éprouver autant de besoin de choquer les braves gens. Je suis restée fidèle à mon goût. C’est vraiment le mien, ce qui est rare de nos jours.

  Physiquement Jean me plaît beaucoup. Je n’ai pas envie de m’amuser avec lui comme avec tant d’autres.

  -Sois sage pour une fois Bella, pense-je. Serais-tu capable de t’engager dans une relation avec cet homme sans l’effrayer dès le départ par tes vilains fantasmes ? Oui, je suis une vilaine qu’aucun homme n’arrive à dompter, même si je les pousse parfois à me déculotter et me fesser vigoureusement pour mon bon plaisir.

  J’ai envie de découvrir Jean en douceur, surtout le contenu de sa tête. Je suis étonnée de moi. Aurais-je pris un coup de vieux ? Pendant trop longtemps je n’ai plus considéré les hommes sommes des individus qui s’expriment par leurs pensées, mais comme des objets, de la chair, qui servent à satisfaire mes pulsions sexuelles. Dans un sens, je ne vaux pas mieux que les machos.

  Comment faire pour entrer en contact avec un homme qui nous intéresse comme être humain d’abord et en partenaire sexuel en deuxième plan ? Compter sur l’hasard qui fait bien les choses ? Se montrer active en matière de contingent et forcer la main du destin ? Je suis mitigée. Mais comme d’habitude, les deux confrères unis, une chance s’offre à moi. (En considérant les détails qui vont suivre, on comprend aisément qu’ils s’agit encore - plus ou moins volontairement - une de mes habituelles mises en scène.)

  Devant ma porte d’entrée, en cherchant mes clefs, mon collier de perles se coince dans la fermeture éclair de mon sac et se déchire. Qu’une seule tombe sur l’épaisse moquette. Les fabricants de bijoux savent par mille astuces remédier à l’imprévue dans la vie des femmes. Ce sont des vraies perles, un précieux cadeau que Chloé m’a amenée d’un voyage.

 

 Me voici donc, à quatre pattes, en train de les ramasser. J’ai oublié de mentionner que je suis myope. Coquetterie qui se dévoile presque à la fin de mon récit. Cela prouve, même en étalant ses états d’âmes les plus intimes, qu’il y a toujours la tentation de cacher un peu. Ceci n’est pas dû au mystère de la femme, mais simplement au fait que le progrès technique permet facilement d’oublier ce genre de détail, car je porte en général des lentilles jetables. Ce matin je n’en avais plus et je suis allée en acheter. Je n’ai pas mis mes lunettes, ce qui explique ma mésaventure avec mon collier.

   J’ai l’impression d’apercevoir des pieds et je lève mes yeux. Dans un flou je distingue la silhouette d’un homme, Jean, qui vient de sortir de son appartement.

 

 Il n’est pas gêné du tout, plutôt amusé et bien hardi.

  -Vous portez des jolis sous-vêtements Mademoiselle Bella !

  Je marque un temps d’arrêt, puis j’y suis. Cela dois faire un petit instant qu’il m’observe. Ma jupe n’est pas trop courte, mais ample (C’est Bella la punkette, pardon la gothique qui est sortie pour ses courses) et elle a dû, en bougeant, découvrir le haut de mes bas et mes jarretelles. J’ai pris tellement l’habitude de ce genre de vêtement qu’ils sont devenus comme une deuxième peau.

Jean me tend la main pour m’aider à me relever.

  -Excusez-moi, mais je suis un nostalgique des bas. C’est plus fort que moi et je n’ai pas pu m’empêcher de vous regarder. J’espère que vous m’en veuillez pas.

   Plutôt amusée par cette confidence je fouille dans mon sac pour chercher mes lunettes. Je me trouve à très peu de distance du visage de Jean.

  -J’ai toujours eu un faible pour les femmes qui devraient porter des lunettes et qui les cachent par coquetterie, m’avoue-t-il.

  -Je vous trouve bien entreprenant aujourd’hui, Jean. D’habitude vous êtes si timide.

  -Tout le monde ne se réjoui pas du privilège de partager son couloir avec la bibliothécaire la plus sexy de France. Forcement on ne sait pas comment se comporter pour éviter des malentendus. L’envie de mieux vous connaître ne me manque pas. J’ai adoré vos séries de photos érotiques et je vous avoue qu’ils m’ont faites rêver comme tant d’autres.

  -Ceci était mon but, de faire rêver les hommes. Je ne peux donc rien vous reprocher.

  -J’ai suivi aussi, avec grand intérêt, votre procès contre la mairie de votre village. Je suis admiratif de femmes comme vous qui font bouger les choses vers une séparation claire et nette entre vie privée et vie professionnelle. J’aime aussi vos livres sur le couple M - Chloé.

Pourquoi j’ose vous parler ainsi ? Disons que la jolie vue m’a désinhibé. Voir une femme ainsi vêtue me rassure en quelque sorte. 

  -Je remercie mes porte-jarretelles et j’apprécie votre franchise. J’ai horreur de l’hypocrisie.

Puis je vous inviter à prendre un apéritif chez moi, Jean ?

  -Je refuse. Ceci ne me réussi pas.

  Je regarde Jean avec des grands yeux, dont l’expression doit être troublante et troublé derrière les épais verres de mes lunettes. Un air de déception doit illuminer mon visage.

  Jean me lance un petit sourire.

  -Je parle de l’alcool, Bella. Pour le reste je veux bien.

  -Alors suivez-moi.

 

  Ma porte d’entrée amène dans un petit couloir au bout duquel se trouve une deuxième porte très épaisse et blindée, à code digital et serrure. Jean est discret et se retourne.

  -Vous vivez dans une véritable forteresse Bella.

Je ne réponds pas et laisse parler le lieu. Dans le hall Jean découvre deux tableaux de M. Visiblement il est calé en matière d’art.

  -Ce sont des tableaux datant du début des années quatre-vingt, de la période où M. a récréé la mythologie grecque, incorporée par des beautés émouvantes en vêtement de cuir de coloris flashants. Parfois je me demande si ces tenues existaient vraiment. Je n’ai jamais vu des corsets dans des couleurs pareilles.

  -Elles existent, soyez en sur. C’étaient des créations exclusives pour M. Il préparait toujours ces tableaux dans les moindres détails avant de les commencer. La démesuré qu’il montrait, correspondait à une réalité palpable.

  Jean aime les jus de fruit, il en raffole. Cela aussi, je le sais par ses courses.

  On s’installe au salon. Il me regarde attentivement et réfléchit. J’aime les hommes qui essayent d’éviter les platitudes.

  -Je me suis toujours posé la question quel sujet aborder avec une femme fascinante comme vous,  Bella ? Vous avec tellement de cordes à votre arc.

  -Je ne suis pas un scientifique comme vous. À vrai dire je ne connais pas grande chose à ce sujet. Mais je peux vous certifier que je m’intéresse à tout, si c’est bien présenté. 

  -Vous m’intriguez de plus en plus. Néanmoins j’aimerais vous épargner un discours sur la science. Je n’ai pas accepté votre invitation pour vous donner des cours, mais pour un échange entre deux esprits qui se découvrent. Pourrait-on trouver un terrain d’entente ? Qu’en pensez-vous de la philo ? J’étais fasciné dans vos ouvrages par la multitude de citations.

  -Pour cause. La profondeur de l’être humain est une de mes grandes passions et j’adore écouter les grands penseurs. En faites-vous partie Jean ?

  -Eh bien à vous de juger. En ce moment je suis en train d’étudier l’existentialisme. Je crois que j’ai fini par comprendre un peu de Kierkegaard et Sartre et je m’estime assez fort maintenant pour m’attaquer à Heidegger. C’est laborieux et j’avance à tout petit pas. Mais quelle récompense pour mes efforts. Certaines de ses idées me montent à la tête comme de la drogue.

  -Je conçois mieux maintenant Jean, pourquoi vous évitez l’alcool. Vous n’en avez pas besoin, tout simplement. Moi aussi je suis familière avec ce sentiment que procure la compréhension. Un vrai orgasme mental.

  (Bella tais toi. Reste calme, détend toi. Tu vas l’effrayer. C’est un homme spirituel. Il ne vit que pour le savoir.

  Mon œil ! S’il a acheté des revues de charme où j’ai posé, il doit être porté sur la chose, sauf bien sur, s’il se contente des articles comme prétendent pas mal d’hommes. Après tout je n’ai pas posé que pour ce journal à grand tirage. C’était un peu trop sage à mon goût. Je me voyais mal à incarner une ingénue avec juste la pointe de perversité sous-entendu qui faut pour la rendre « mariable » ; une future bonne épouse et tendre mère des enfants d’un homme extrêmement important. Je n’avais pas besoin d’un mari pour me revaloriser et pour acquérir un statut dans cette société. Alors je pouvais me permettre de poser aussi à la manière qui me reflète le mieux. Les femmes aussi ont droit à des idées cochonnes. Elles ne se masturbent pas toutes en fantasmant sur le portefeuille d’un futur mari.

  Comme j’ai dit dans un interview, moi aussi, en étant femme je revendique le droit à ma perversité. Ça choqué énormément, ça m’a value ma mise à pied et surtout ça m’a rapporté une flopé de demandes en mariage et j’ai rarement ri autant dans ma vie qu’en lisant ces lettres qui tournent souvent autour du pot sans oser de me dire que j’excite par mes apparences et mes discours coquins.

  Pour aimer il faut un peu plus qu’une photo sur papier glacé et des paroles libertines. Je ne crois pas au coup de foudre. Pour moi c’est une façon détournée de justifier une envie subite.

  Chloé se manifeste en moi, l’envie de montrer mon désir, l’envie d’être acceptée pour ce que je suis. Ca passe ou ça casse. J’ai horreur de me cacher derrière une médiocrité ennuyeuse. Je ne suis pas une femme soumise dans le vrai sens du terme. Je suis entreprenante, active, créatrice de ma vie. On m’aime ou on me déteste.

  Je ne peux, je ne veux me retenir. Je me lâche sans retenue comme Chloé m’a apprise.)

  -Je dois vous avouer Jean que mon rapport avec le savoir est assez singulier, je dirais charnel.

  Il me comprend de suite en me coupant dans mon élan.

  -Vous voulez dire Bella que le fait d’étudier vous excite sexuellement. Après avoir compris une réflexion ou pensée très complexe, votre cerveau satisfait, demande un petit repos et votre corps réclame son dû. Il m’arrive parfois de me masturber entre deux paragraphes. J’ai besoin de cette détente pour reposer mon cerveau. Il est trop épuisant de rester sur un sommet intellectuel pendant trop longtemps. La pause me permet de récupérer et de recommencer de plus belle.

  -J’adore les hommes cultivés. Ils me comblent doublement. Certains parmi eux font aussi bien l’amour à ma tête qu’à mon corps. Ferriez-vous partie de ceux-là ?

 

suite

 

 


Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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Lundi 22 décembre 1 22 /12 /Déc 16:06

                                    PARIS EST UNE BRUNE 1

 

  Dès mon arrivé au seizième j’ai la vertigineuse impression que ma vie se transforme en une fabuleuse ascension vers un sommet qui reste à définir. Tout me semble possible. À moi de choisir l’orientation. J’ai réussi à saisir le mécanisme du moulin de la conformité et forte de ce savoir j’actionne la manivelle selon mes propres idées et intuitions. Ainsi je peux renouer avec les espérances de toute jeune fille ; avec l’expérience et surtout le courage en plus. Aujourd’hui je m’accepte avec mes forces et faiblesses et je ne suis pas mécontente de ce que je suis devenue, mais plutôt fière. J’ai acquis une certaine objectivité sur mes capacités et je peux les évaluer à leur juste titre et surtout les utiliser pour ériger cet édifice qui est ma vie.

  Ce qui rend cette aventure si excitante c’est d’avancer sur une route non tracée que personne avant moi n’a inaugurée et qu’aucune personne après moi ne puisse braver de la même manière. L’histoire de chaque être humain est strictement personnelle et singulière par ce fait. Il n’y a pas deux destins identiques et même une existence qui paraît, vu de l’extérieur, fade et inintéressante, reçoit sa valeur particulière par l’intensité des sentiments, sensation et émotions ressenties qui sont toujours hors de commun.

  L’appartement que Chloé a mis à ma disposition est- je n’attendais pas autre chose – de toute beauté. Il se situe dans un ancien hôtel particulier des sept étages ; exceptionnellement calme avec un standing qui saute aux yeux. Code digital, lustres de cristal au hall d’entrée, loge de concierge, ascenseur, escalier monumental, couloirs avec moquette épaisse. Les copropriétaires portent des noms aussi illustres que Chloé. Il n’est pas désagréable de croiser des people débarrassés des leur déguisement. Mon histoire a fait un tel tabac qu’ils me considèrent un peu comme appartenant à leur monde et ils se flattent de cohabiter avec « la bibliothécaire la plus sexy de France ».

  Je passe mon temps à répertorier l’héritage de M : une soixantaine d’huiles datant d’époques différentes de sa vie, un nombre considérable d’aquarelles et l’intégralité des esquisses dans un désordre inouï. J’adore toujours trier et classer et ici je suis dans mon élément. Dans mon nouveau lieu de vie, deux univers se chevauchent : celui de Chloé et celui de M.

  C’est le jour et la nuit. Pour caractériser la partie que M se réservait, je dirais qu’elle témoigne d’un désintéressement total d’un cadre quelconque. Tout est accentué sur son travail et en dehors on ne trouve que le strict minimum. Le terme spartiate convient le mieux.

  Cet homme, capable de récréer le monde à partir de son esprit et de ses couleurs, ne semblait pas attacher une importance à la matérialité, n’avait nullement besoin d’un réconfort douillet.

  Apparences trompeuses ! Il menait une double vie, dont l’autre fut domaine exclusif de Chloé.

  La partie de mon amie reflète son goût pour le confort et le raffinement, ce qui me permet de profiter d’une chambre à coucher digne de mille et une nuit où Shérazade-Chloé officiait en reine incontestée. Je ne sais pas si le tableau qui offre une réplique quasiment exacte de ce somptueux intérieur était conçu après une déco imaginée par Chloé ou s’il s’inspirait sur la démesure décadente deM. Je ne considère plus, depuis longtemps, mon amie, dans les années qui ont suivi la fin de sa carrière et où elle se consacrait entièrement à son mari, comme une nunuche futile, profitant d’un mariage avantageux. Je n’oublierai jamais notre conversation de Toulouse, à l’occasion de notre deuxième sortie où elle m’avait exposé son point de vue sur les muses. On classant les œuvres de M, je me suis rendue compte de l’influence de Chloé qui se faisait remarquer dès leur rencontre. Je constate aussi avec émoi à quel point M a dû aimer sa femme et à quel point l’accident de sa bien aimée l’avait touché. Les tableaux sont un témoignage accablant des soucis qu’il se faisait pour elle. Des différentes étapes de vie d’un couple uni se dessinent devant moi où le meilleur et pire ont rejoint le sublime par le biais de l’art.

  Aujourd’hui je peux affirmer que cette œuvre gigantesque regorge d’une interactivité fructueuse entre deux êtres d’exception. Malheureusement ni M, ni Chloé ont laissé le moindre écrit. Il n’y a pas de lettres, pas de journaux intimes. La voie est donc ouverte à toute forme d’interprétation. Chloé me laisse main libre, ne s’emmêle jamais de mon travail et m’encourage toujours quand je prépare des publications, autant sur son mari que sur elle. J’ai publié plusieurs livres sur ce couple unique, sur la carrière de Chloé, sur le travail de M. Le mystère qui les entoure me hante positivement et me permet de m’exprimer sur un sujet qui me passionne et qui semble autant passionner les lecteurs de biographies que les amateurs de peinture. Je suis devenue la plus grande spécialiste de M, une référence en cette matière, reconnue et sollicitée.

  J’adore mon travail sous toutes ses coutures. J’adore organiser des rétrospectives et les contacts humains qui vont avec. Je suis redoutable en ce qui concerne le choix de salles, d’éclairage, du buffet d’ouverture. Je ne laisse rien au hasard.

   Chloé est très satisfaite de mon travail. Elle me trouve indispensable, pas pour l’aspect commercial, car elle ne manque pas d’argent, mais parce que je flatte son narcissisme mieux que personne au monde. C’est elle qui me la dit et j’en suis fière de ce compliment. Nos chemins se sont un peu séparés. En ce moment elle est partie pour un tour du monde et on ne se reverra que cet hiver à New York pour inaugurer un hommage à M. Il me tarde déjà.

 

  Sur le plan professionnel je suis une femme comblée. Le monde est à ma disposition et je suis à la disposition de ce monde. Je participe à son évolution par mes modestes contributions et reçois de la reconnaissance en contre partie.

   J’ai envie de mentionner que ma famille a pris la grosse tête à ma place. Mes parents se bercent toujours dans des illusions. Ils s’imaginent que ma réussite tienne à l’éducation que j’ai reçue chez eux. Il m’arrive très rarement de les visiter, quand j’ai des affaires en cours à Toulouse. Il paraît que mon frère profite de ma notoriété pour essayer de se rendre « bankable », mais les professionnels de l’argent ne sont pas nés de la dernière pluie. Ils cernent vite son jeu et refusent. Il doit se consoler auprès de ma belle sœur ou auprès de celui qui veut bien écouter ses plaintes sur cette salope de sœur qui a oublié ses racines et sa famille ; qui est plein de poignons et qui ne donne point un coup de main à personne. Dans sa petite tête, il m’a bannie du clan familial qui fait soi-disant la force. Ceci ne l’empêche pas de me téléphoner de temps en temps pour me proposer des affaires pharamineuses, notamment dans les domaines de la bourse et de l’immobilier. Je ne suis pas tendre avec lui et lui ris au nez. Néanmoins il revient régulièrement à la charge. C’est son masochisme social qui réclame sa dose et il n’est jamais déçu avec moi.

  Il me reste un dernier point à raconter qui me tient particulièrement à cœur. Il concerne ma vie sentimentale.

  J’ai mis un peu de temps à couper le cordon ombilical avec Chloé. Cela c’est passé en douceur, sans la moindre douleur, car mon amie est un être généreux qui ignore la mesquinerie. Son approche à l’amour est exclusivement physique, un passe temps joyeux et agréable. Depuis que je la connais, elle n’est pas tombée amoureuse une seule fois. Par contre elle a un profond sens d’amitié et affiche une fidélité à tout épreuve. Elle me considère comme l’être le plus proche d’elle au monde.

  À mes débuts à Paris, je me suis achetée des perruques pour passer inaperçue. Je n’avais pas du tout honte de ce que je suis, mais mes passages aux magazines de charme, les affiches de pub et mon procès très médiatisé contre la mairie de mon village m’avaient attribués une telle notoriété qu’elle devenait envahissante.

  On me reconnaissait partout, ce qui me plaisait beaucoup à une certaine époque. Je me suis vite rendue compte que les personnages publics perdent souvent leur liberté, ce qui est la rançon de la gloire. On ne cherche pas en moi l’être humain que je suis, mais la confirmation que je corresponde bien à l’idée que l’on se fait de moi. La plupart des hommes, surtout ceux que je qualifierais comme intéressants, se sentent gênes par ce que je représente pour eux, un fantasme qui a pris chair et par conséquence ils n’osent pas de m’approcher.

  J’ai opté entre autres pour une perruque du style « La fille au cheveux noirs ». Grâce à cet ustensile j’ai fais une découverte déconcertante. Je ressemble comme une goûte d’eau à la jeune Chloé, comme elle m’avait clairement indiquée à notre première rencontre. Je vois notre relation sous un autre jour, comprenant que Chloé cherche en moi un prolongement de sa propre jeunesse et même une possibilité de se réincarner. Je lui ai posé la question et sans détour elle a confirmé mes hypothèses.

  -Le narcissisme peut devenir un enfer quand on cherche perpétuellement à transgresser les limites de la jouissance vers des cieux encore plus sensationnels. L’autoérotisme est une formidable aventure d’intérieur, tandis que l’érotisme est une action vers l’autre. Tu n’imagines pas ce que cela signifie de faire de l’amour à soi-même, transgression absolue, être soi-même et l’autre à la fois.

  Une phrase de Sophocle, tiré d’Antigone, fille d’Œdipe, me caractérise à la merveille : Je suis de ceux qui aiment et non qui haïssent.

  Une fois de plus j’ai apprécié la franchise de mon amie et j’ai accepté ses motivations comme légitimes à mon égard. Moi aussi, pour forcer la porte et le secret du désir, j’avais besoin d’elle. Avec le recul je dirais qu’elle m’a montré ce que je pourrais être humainement et surtout physiquement dans quelques années. Cela me réconforte sur mon chemin et me permet de me réconcilier avec le fait du vieillissement. J’ai perdu grâce à Chloé la peur de « devenir », service inestimable qu’elle m’a rendue.

  J’ai eu peur pendant longtemps de me perdre, comme Chloé, dans l’escalade des stimuli. Je me suis privée de mes petits fantasmes par crainte de découvrir les grands. Mais nulle part sur mon chemin je n’ai croisé des monstres de la profondeur, ni des horreurs cachés. Partout j’étais accueillie par moi et j’ai appris à m’aimer tel que je suis.

 

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Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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Samedi 13 décembre 6 13 /12 /Déc 14:30

               LA BIBLIOTHÈCAIRE LA PLUS SEXY DE France 1

 

  Ce lundi matin, derrière mon bureau, au milieu de mes étagères de livres, marque un tournant essentiel de ma vie. Essentiel dans le sens sartrien, car forte de mes nouvelles expériences qui mêlent contingent et réflexion, la possibilité d’une voie de transformer ma vie selon mes envies et ambitions se dessine devant mes yeux avec une clarté déconcertante. Pendant un instant je me prend pour une déesse dont la le pouvoir de création concerne sa propre vie. Serais-ce mon aventure d’hier qui s’est glissée dans la partie romanesque de mes pensées ?

  Homère qui a décrit le monde divin avec une sensibilité et lucidité rarement égalées, ne s’est pas privé non plus de remarques poignantes sur les êtres humains, comme par exemple : le sot s’instruit à l’épreuve du fait. La réalité nous apprend que la plupart des gens ne retiennent pas la leçon et ne soient en aucun cas capables d’appliquer leurs nouvelles connaissances.

  Ils admirent chez certains les idées bien en place, sans comprendre qu’une idée en soi n’est que le début d’un processus ; sans valeur, si elle ne rencontre pas une structure efficace pour la réaliser.

  Or cette structure n’est pas un cadeau de la nature, mais un mérite personnel qui trahit volonté et travail. Pour savoir ce que l’on désire vraiment, il faut être capable d’abord de l’exprimer, car une approche intuitive à la vie est le plus souvent hasardeuse. Elle n’aboutit que dans des cas exceptionnels qui peuvent se révéler d’une efficacité formidable, je l’admets. Malheureusement, tout le monde n’est pas un génie. Il faut donc s’approcher du problème avec méthode. L’intéressant de cette démarche est sa compréhensibilité pour quiconque se donnant le mal de l’étudier et par conséquence sa reproductibilité. Même un « seigneur d’esprit » comme Descartes, se crée d’abord un bivouac opérationnel avant d’atteindre les sommets de la pensée en saisissant la quintessence de cette dernière. Il met en garde de ce qu’on pourrait appeler les idées propres en niant leur existence, car il y a toujours quelqu’un qui les avait eu avant nous. Il doit savoir de quoi il parle. « Je pense, donc je suis » ressemble étrangement à une phrase qui se trouve chez Saint Augustin, un des pères de l’église : Je me trompe, donc je suis.

  Ma méthode à moi, petite bibliothécaire, c’est la lecture qui m’a apprise, avant tout, d’exprimer ce que je ressens. Comme tout les penseurs amateurs, je suis un fidel serviteur de l’esprit et j’essaye de me rendre les concepts, ou idées selon Platon, intelligibles par des mots. Je suis fascinée par les artistes qui dépassent à mon avis l’intensité de la pure pensée en y ajoutant une dimension charnelle parce qu’ils arrivent à rendre visible et palpable ce qui se cache au fond de l’être humain, les notions abstraites. Il y aura toujours la jouissance dans la sensation et la jouissance dans la réflexion sur la sensation. Cela concerne également les sentiments et les émotions.

  J’adore la philo parce qu’elle me dévoile l’ingéniosité de l’esprit humain et la beauté de sa pensée. Mais je suis avant tout une jeune femme avide d’une vie bien remplie de rebondissements où l’ennuie soit remplacé par une permanente évolution. Je ne désire pas me perdre dans mes pensées pour une satisfaction intellectuelle, j’aimerais me servir d’elles pour réaliser mes ambitions selon mes critères. Je voudrais que l’art d’improviser sa vie devienne le mien pour accéder ainsi à une vraie liberté.

  J’ai trouvé à ce propos matière de réflexion chez Merleau-Ponti : être libre dans le monde ne consiste pas à nous confiner dans nos pensées, toujours libres, même chez l’esclave. La liberté n’est liberté qu’incorporée au monde, en situation.

  La liberté de l’esprit n’exclue donc pas la docilité dans le comportement réel.

  Le plus grand obstacle à la réalisation de soi est la soumission au sens commun, à la dictature de la majorité silencieuse. C’est elle qui dépouille l’être de son individualité et qui crée les stéréotypes qui rendent les gens prévisibles.

 

  Jusqu’à ma rencontre avec Chloé, je me suis servie de mes pensées comme rempart de mon individualisme pour ne pas me confondre avec la masse. Initiative louable, mais trompeuse où le vrai m’a échappée. 

  En fréquentant Chloé j’ai beaucoup progressé. En observant mon amie, je me suis rendue compte qu’elle séduit avant tout par la beauté de ses mouvements ; si fluides, si élégants, si harmonieux. Ceci est la surface. En grattant un peu et en analysant sa façon d’être, j’arrive enfin à voir plus loin que le bout de mon nez et de ne me plus borner sur une apparente futilité de cette femme. En fait ce qui m’émerveille en elle, et je ne suis de loin pas la seule qui succombe à ce charme, c’est la fluidité avec laquelle Chloé glisse sur cette structure que l’on nomme le temps de notre vie. Cette fluidité se caractérise par un perpétuel mouvement qu’elle crée selon ses envies pour enrichir son existence à tout instant d’une apesanteur volontaire, pour régner sur le présent et le futur ; ou, pour parler avec Erasme de Rotterdam : Seul la folie peut freiner la fuite de la jeunesse et faire fuir la vieillesse inopportune.

  Secrètement j’ai toujours rêvé d’une destinée comme celle de Chloé. J’ai fait l’erreur, par jalousie mal placée, de considérer ce genre de danseuses ultra habiles qui se produisent sur la scène qui constitue ce monde, comme des parasites avertis.

  Mais pour être honnête qu’elle jeune fille n’a pas rêvé de mener une vie à grand train une fois adulte.

  C’est ça le contrecoups de l’ambition. Je n’aspire pas à une existence exemplaire, digne d’une sainte ; moi aussi je veux ma part du gâteau et le plus vite possible. Enfin j’ai appris de ne plus me mentir, de m’accepter avec mes envies de grandeur, ce redoutable aspect de moi, si longtemps opprimé avec ardeur par peur d’échouer ; dénié, en me transformant en pure intellectuelle, se contentant avec des nourritures spirituelles.

  Je vais encore citer Erasme et son « Eloge de la folie » : la nature a implanté une perversion dans les cerveaux humains tant soit peu intelligents : ils ne sont pas contents d’eux-mêmes et ils admirent les autres.

  Sans me vanter je pense de disposer d’une certaine intelligence pour dépasser le stade d’admirer les autres. Mais est-ce bien l’intelligence qui fait la différence ou me manquait-t-il, jusqu’à maintenant, plutôt une confiance illimitée en moi ?

  Comment font les hommes pour s’approprier ce monde ? Sont-ils fair-play pour arriver à leurs fins ? Certainement pas ! Ils se livrent des batailles sans merci pour le pouvoir, dépourvu de compassion et de pitié. Ne font-ils pas de guères pour écraser leurs adversaires ? Hésitent-ils de recourir à la ruse ? Ils s’en vantent même et sont vantés sur des millénaires (voir Ulysse) pour un exploit qui parait si prodigieux et enviable aux yeux des autres.

  Il semble donc légitime que chacun se serve de ses armes de son choix. Mais le darwinisme social concerne aussi les femmes dès qu’elles n’acceptent plus de se faire entretenir par les hommes.

  Parfois les chers mâles me paraissent comme un syndicat de gangsters avec un code d’honneur (leur législation) et une échelle de valeur (leur morale).

  Pour bien dominer, il faut aimer le pouvoir. Tout le monde n’arrive pas à être fort en permanence. Certains se sentent écrasés par ce système. Ils s’éclipsent pour devenir des parias de la société. D’autres, comme Fred, mon beau dieu de stade se trouvent des compromis. Se soumettre par jeu, comme soupape contre un stress permanent. Le week-end ils font la récrée des grands garçons devant leur maîtresse qui les gronde et puni pour leurs abus de la semaine. Ils se détournent de leur occupation favorite, intervenir sur le monde, pour endosser un rôle d’objet pour plaire aux femmes. J’avoue que c’est troublant pour une femme de constater cette apparente contradiction : un corps vigoureux et beaucoup plus fort que le mien se soumet à mon esprit pour une servitude volontaire. Mais ce genre de relation ne se base pas sur la compétition réelle. C’est un jeu de société pour se procurer des frissons et sensations pour se rassurer qu’on soit vivant.

  Dans cet univers de corps et de désirs une bonne culture et instruction ne sont pas exigées. Il suffit d’une allure autoritaire.

  Je ne veux pas faire ici le procès de Fred. Il était adorable avec moi et j’extrapole sa vie sociale sans trop la connaître. Néanmoins à trente ans il se trouve à la tête d’une des plus importantes et influentes agences publicitaires du sud-ouest.

  Il est particulièrement habile et loin d’être un con. Il sait ce qu’il veut et sait aussi comment y parvenir. Cela mérité attention. Il me parait intéressant à mes projets et fait partie de mon nouveau carnet d’adresse.

  Notre mise en scène m’a énormément plue. Pas dans le sens que j’ai eu un homme à mes ordres qui a dû payer la note pour les autres. Je ne suis pas aussi primaire.

  Avec lui j’ai compris le détail le plus important de ma psychologie personnelle qui avait échappé pendant toute ma vie à ma vigilance : Je ne cherche pas un pouvoir relatif sur autres, je vise un pouvoir ma sur la vie. 

 

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Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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Samedi 13 décembre 6 13 /12 /Déc 14:26

LA BIBLIOTHÈCAIRE LA PLUS SEXY DE FRANCE 2

 

 

  J’ai décidé de m’ouvrir au monde sans tarder.

  Je dispose de deux façons pour m’exprimer : une qui dévoile mes véritables sentiments, l’autre que je juge adapté aux circonstances. Ici, j’aimerais rejeter le discours complaisant au profit d’un discours sincère, quitte à passer pour une arriviste (que je suis). J’adore m’exhiber par un strip-tease verbal qui va au fond de mon être. Je me sens enfin assez forte.

  J’ai longtemps refusé ma féminité pour ne pas intégrer un rôle tel que l’on attend toujours d’une femme, cette soumission sociale à la dictature des hommes que je déteste tant (les hommes ou la soumission, ou les deux ?). 

  Je ne veux pas me voiler la face. Les hommes se battent avec des armes d’hommes et tout le monde trouve cela normal. Je suis femme, alors pour quoi je ne me battrais pas avec des armes de femme ? Simplement parce qu’il y a des hommes et des femmes (stupides, corrompues, inconscientes etc.) qui proclamant que cela serait la concurrence déloyale. Avec quel droit ? Du plus fort, de la majorité ?

  Chloé a raison. Pour réussir il faut être iconoclaste devant des êtres vivants et des idoles d’une double morale.

  Maintenant j’y compte bien de me servir de mon savoir à des fins personnelles. À quoi me sert-il d’être irréprochable dans un monde corrompu ? Mon malheur avait commencé en refusant de me montrer en femme indépendante devant mes parents de peur de perdre leur amour. Mais je ne suis pas à la recherche de l’amour, je cherche la reconnaissance, la gloire. C’est bien différent.

  Depuis que je fréquente Chloé je n’ai cessé d’intégrer des nouvelles données dans ma personnalité. Cette ouverture d’esprit me permet une combativité étonnante, car je ne vise pas une finalité mais une évolution permanente. Je comprends mieux enfin les étapes nécessaires à ce développement.

   D’abord je me suis cachée ma lâcheté sociale, mon masochisme social alors, derrière l’excuse d’une frustration sexuelle qui me pesait si lourd que je n’étais plus capable de distinguer mes vraies valeurs derrière mes envahissantes pulsions charnelles.

  J’ai commencé par me débrider en croyant de me révolter ainsi contre les erreurs éducatives de mes parents. Encore un prétexte, celui de l’adolescence ratée.

  Je voulais être sexy pour choquer dans un premier temps, ensuite pour ne plus passer inaperçue devant les autres, puis pour provoquer en eux un tel désir envers moi qui m’assurerais une position de force. Mais je ne suis ni une midinette, ni une pétasse de province qui voudrais se servir de son cul pour arriver en haut de l’échelle. Je n’envisage nullement de coucher pour réussir. Je peux compter sur mes facultés mentales et une solide expérience, grâce à Chloé, pour maîtriser le sous-entendu et le non-dit. La force la plus efficace et dévastatrice est la suggestion. J’ai toujours eu l’ambition de bien faire en tout ce que je touche, dans mes études, dans mes aventures sexuelles et maintenant dans la stratégie de la vie. J’ai pu établir un merveilleux équilibre entre mon corps et mon esprit qui me servira désormais à ne pas me décourager sur un chemin extrêmement difficile.

  Plus rien ne me gêne en moi, même mes mauvaises odeurs corporelles ne me dérangent plus, car eux aussi font partie de tous les êtres humains et je les assume aussi bien que mes pensées et fantasmes les plus osés.

  Ce week-end m’a permise de vivre l’aspect actif et agressif de ma sexualité. Cette semaine je transposerais cet acquis au niveau de ma personnalité. Je serai active et agressive comme il le faudra.

 

  Il est onze heures et demie. Seul en sale je ferme prématurément, car j’ai un rendez-vous important avec la vie. Je compose sur mon portable le numéro que le photographe m’a laissé samedi soir. Sa carte est très modeste et n’indique que son nom au dessus des chiffres. Il m’a appelée Bella, alors j’utiliserais son prénom. Je suis curieuse si je vais tomber sur un répondeur. Dans le métier de la photographie c’est excusable. Je suis mauvaise langue, contre toute attente il est disponible.

  -Bonjour Joël, c’est Bella. Vous vous souvenez de moi ?

  -Rappelez-moi le contexte s’il vous plaît.

  - Vous êtes un farceur Joël, vous me faites marcher.

  -Parfaitement. Tu es fine psychologue Bella. Bien sur que je me souvienne de la splendide soumise de ce week -end !

  -Comme tu dis, de ce week-end. Aujourd’hui on est en semaine. Alors pas d’allusions.

  -Ça marche. Soyons professionnel. Je vais être franc. Ce qui m’a intrigué en toi, mis à part ton plastique parfait et tes allures si décalés à la norme féminine, c’est ta présence. Tu effaces ton entourage d’un coup d’éponge magique. Eclipser une légende vivante, comme Chloé M est un exploit qui mérite attention. J’ai déjà discuté de toi avec mon rédacteur en chef. À son avis tu ne corresponds pas du tout par ton look de provocatrice à notre style de journal. Mais je me suis battu pour toi. Il serait prêt de nous donner une chance.

  Le journal dont Joël parle si négligemment est un grand magazine pour hommes.

  Malgré une proposition aussi mirobolante je ne me laisse pas impressionner,

J’affiche mes conditions.

  -J’aimerais poser en « Fille aux cheveux noirs », version deux mille six, dans des tenues conçues par M, devant les monuments historiques et naturels de mes montagnes.

  -Je trouve ton idée absolument séduisante Bella. Mais il y a trois hics. D’abord il nous faudrait l’autorisation de Chloé. Vu que tu es intime avec elle, cela me parait jouable. Par contre, concernant les tenues employées par M, il ne faut pas rêver. Il est bien connu que cet homme dépensait des sommes colossaux pour ses mises en scène qui relevaient d’une véritable passion et qui dépassent le budget prévu par journal comme le nôtre.

Troisièmement la « Fille au cheveux noirs » est connue pour la longueur de sa crinière. Comment concilier ce détail ?

  -En comptant simplement sur les incohérences qui sommeillent au fond de vos lecteurs qui rêvent, en achetant votre journal de maîtriser ou au moins récupérer la beauté féminine. N’oubli pas non plus que tu n’es pas dans leur tête pour considérer l’échantillon complet de leurs fantasmes. Combien parmi eux se languissent devant une créature de rêve comme la « Fille » de la transformer en objet contrôlé par eux, de la mettre en esclavage parce qu’elle est si belle.

Je te propose donc de commencer la série de nos photos par une vue de moi avec une perruque très longue suivi de quelques prises en salon de coiffure. Tu vois où je veux en venir ?

  -Tu es redoutable Bella. Ce n’est pas un discours à tenir publiquement, mais mon rédacteur en chef n’emplois que le langage du nombre de tirage et je pense que je peux le convaincre par tes arguments. Autre chose ?

  -Oui. Je voudrais que vous me mettiez en scène sous la dénomination de « La bibliothécaire la plus sexy de France ». Avec mes cheveux courts je remplie parfaitement le cliché d’une intellectuelle tel que la plupart de hommes l’imaginent. Par les avantages de mon corps, apparemment et volontairement sculpté pour « un usage érotique », je mettrai en route la projection privée du cinéma fantasmagorique comme il le faudra. Réconcilier les hommes avec les femmes de tête par le biais d’une suggestion provocatrice me parait un excellent moyen pour augmenter les ventes. En plus, vous inciteriez bons nombres de femmes, choquées par mon attitude, d’acheter votre journal pour vérifier jusqu’à quel point certaines sont prêtes à pousser le culte du corps pour exciter.

  -Tu ne manques pas d’audace Bella. Je suis photographe depuis plus de vingt ans. Je n’ai jamais rencontré une femme qui ose me parler ainsi. Cela s’accorde parfaitement avec l’aperçu que j’ai eu de toi. Et si mon rédacteur refusait ?

  -Il ne refusera pas, si tu lui dis que je m’occuperai de lui procurer en plus des costumes originaux de M, l’avant première d’un tableau inédit de la fameuse série avec Chloé.

  -En effet, tu possèdes des cartes incontournables.

Je me suis laissée aller loin. Maintenant tout dépend de Chloé. Va-t-elle accepter ce que j’ai proposé en son nom, sans lui demander son accord préalable ? Je suis inquiète.

La réaction de Chloé me rassure. Elle est enchantée par mon initiative.

  -Pourquoi refuserais-je mon accord Bella. Tu es en train de réaliser un coup de pub spectaculaire pour promouvoir l’œuvre de mon mari. En accordant les droits de photographie sur un inédit tu me met aussi, à nouveau, au premier plan de la scène artistique. Tu vois, la rivalité entre nous est profitable pour les deux côtés. Tu as raté ta vocation ma chérie. Tu aurais dû te spécialiser dans les « public relations ». En plus, ton photographe a raison. Tu dénotes tellement de la norme d’esthétisme, imposé par les hommes, à nous les femmes. Tu démarques par tes allures et ton image se grave facilement dans la mémoire de n’importe qui. De quoi débuter une belle carrière. J’étais sérieuse l’autre soir quand je t’ai dis que je n’accepterais être détrônée que par toi. Il me tarde de te voir en nouvelle « Fille aux cheveux noirs », version deux mille six. Compte sur moi. Je t’aiderais avec tous mes moyens disponibles pour réussir ton pari.

  Six semaines plus tard je fais couverture du mois d’août. Les éditions de vacance sont particulièrement remarquées. Cette année-là, il s’agit d’une double innovation. Je suis la première punkette à poser sur ses pages sacrés et en plus j’ai échappé aux commentaires bêtasses qui accompagnent souvent ce genre de publications. Encore grâce à Chloé. Elle a imposé que l’article sur son mari soit écrit par moi, signé de mon nom, bien mis en évidence pour que tout le monde comprenne bien le lien entre mes photos dénudées et ma passion pour M. J’ai peux me faire un nom dans deux domaines à la fois. Ma carrière ne tarde pas à exploser. Comble de chance, un autre événement se rajoute pour une publicité inespérée. La mairie de mon village, outrée de découvrir sa bibliothécaire dans son costume de naissance, me fait parvenir ma mise à pieds quelques jours plus tard. Je ne me laisse pas faire et j’entame une procédure pour licenciement abusif.

  Mon image passe dans les quotidiens locaux et nationaux.

« La bibliothécaire la plus sexy de France s’en va-t-en guerre contre la marie de son village »

  Ma popularité veut que ce procès soit suivi comme un feuilleton. Mon combat pour une séparation entre vie privé et vie professionnelle des femmes m’apporte du soutien de partout. D’autres femmes se rallient à ma cause.

  Mon dieu de stade, en habile homme d’affaire, me décroche un contrat exclusif de pub pour un nouveau parfum et une ligne de sous-vêtements.

  Un an plus tard, je publie un premier livre sur la vie du couple M - Chloé avec la participation de mon amie. L’accent se porte sur le rôle actif et indispensable de la femme-muse dans ses relations avec son artiste. J’essaye de briser l’image de Chloé comme potiche décorative en défendant la thèse que l’art émouvant de son mari soit dû à une symbiose bénéfique et peu commune entre une féminité sublimée chez un homme créateur et le proliférant influence masculin de sa muse.

Toujours au centre de l’action je n’ai pas le temps de regretter la perte de mon emploi de bibliothécaire et je savoure mon déménagement à Paris, bien mérité, comme une délivrance d’une jeunesse ratée.

 

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Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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Mardi 25 novembre 2 25 /11 /Nov 14:21

MARCHÉ AUX ESCLAVES 2

 

 

  Un homme, habillé en costume gris, muni d’un marteau en bois s’installe derrière le bar. Ce Monsieur tient office de commissaire priseur. Les esclaves, plusieurs hommes et femmes, intégralement nus sont amenés par les serveuses. Tenus en laisse, ils avancent à quatre pattes. Avant la vente ils sont exposés dans des cages pour un examen attentif du public. Le touché est formellement conseillé. Mon attention est captée par un jeune homme, un véritable dieux du stade qui n’a rien à envier aux rugby mens qui posent fièrement pour leur calendrier. Je suis une inconditionnelle des dieux des stades et chaque année je me procure la nouvelle édition.

  Jusqu’à maintenant, il ne s’agissait que de rêveries devant ces mâles inaccessibles aux petites bibliothécaires de province. Une fois de plus la réalité dépasse l’imagination. Ma main glisse sur une peau ferme et dure, lisse à souhait car dépourvu de poils et tendue par les impressionnants muscles. Cet homme n’a rien en commun avec des chétifs soumis que l’on imagine dans des griffes impitoyables d’une hautaine maîtresse.

  Mon enchantement n’échappe pas à Chloé qui approuve mon choix. Pour se décider elle fait le tour de toutes les cages. Visiblement elle est indécise entre un homme ou une femme. Elle observe intensément, touche de temps en temps, effectue des allés et retours pour opter enfin pour un homme, style jeune loup qui essaye ce soir de compenser une vie qu’il rend sûrement infernale à ses subordonnés.

  Concernant l’état d’esprit des esclaves trois motivations majeures me viennent à l’idée. D’abord une liaison entre douleur et volupté qui cherche se libérer des inhibitions sous les ordres d’un autre. Puis l’acceptation du plaisir d’une dépendance érotique sur le modèle parent-enfant et enfin des mécanismes subtils d’autopunition.

  Ce qui rend notre marché d’esclaves troublant est la servitude volontaire qui fut déjà remarquée par La Boétie, amie de Montaigne et mort très tôt.

  (D’ailleurs Montaigne a émis une belle constatation, par laquelle j’aimerais saluer son œuvre en passant : écrire, c’est tenir le registre de soi-même, un degré supérieur de la découverte de soi.)

   Une citation de Wolff me vient à l’esprit : il n’est pas injuste de mettre des gens en esclavage jusqu’au moment où ils seront capable de trouver leur bonheur dans la liberté.

  Quoi qu’il en soit dans des jeux érotiques l’esclavage semble doté d’un étrange pouvoir de stimulation. Devant les cages j’ai du mal à cacher mes émotions. Avouer un statut de soumis, même temporairement au cours d’un jeu, n’est jamais un acte anodin et implique d’admettre que l’on éprouve du plaisir en soumettant sa volonté à celle d’un autre, ainsi que le jugement de ses propres actes. C’est l’autre qui décide à ma place de ce qu’on fait et de se qui est bien ou pas bien, convenable ou non convenable, en me convertissant à son échelle de valeur. Tout est là ! Le plaisir se construit autour du fait de ne pas être libre dans ses décisions et la punition devient un moyen de soulager sa conscience par un acte jouissif et excitant. L’acte sexuel disparaît souvent pendant les rituels et se substitue par des excitations de phase enfantine.

  Une personne soumise excite par son attitude, elle nous attire en tant qu’objet de nos fantasmes inassouvis. Elle s’oppose au sens commun et à la bonne lignée de conduite qui n’admet pas que quelqu’un se comporte selon ses penchants et pulsions.

  D’ailleurs un soumis, par définition, ne s’oppose pas à nos pulsions et désirs. Il est une tentation puissante qui déchaîne notre inconscient. En face de lui nos inhibitions envers nos penchants secrètes s’évaporent comme par enchantement car il n’y a aucun danger de céder à la tentation.

  De l’autre côté on a toujours un peu de mal à ne pas mépriser l’être soumis, car une telle personne nous paraît immorale, plus faible, inférieure à nous par une conduite indigne d’un être humain.

  Un soumis se présente en objet devant nous, nous propose, nous offre ce statut en cadeau de bienvenue et l’affiche par son obéissance, sa présentation, son langage, sa façon de marcher etc.

  S’afficher publiquement en soumis correspond à se dévêtir d’un statut social, de s’enfermer dans un univers pervers et de le montrer fièrement ou avec honte selon le mécanisme d’excitation personnelle.

  L’ambivalence entre honte et excitation amène certaines psychés à réagir par excitation aux humiliations, si proche de l’humilité, cette vertu ventée par notre église et qui préconise un comportement qui résulte du sentiment où plutôt de la conscience de notre faiblesse, de notre infériorité (envers Dieu bien sur).

  Se shooter à la honte peut devenir un jeu de choix. Plus que j’ai honte, plus je suis excitée et c’est mon maître qui dose ma honte et mon excitation. C’est lui qui décide de m’apaiser par une jouissance. Tout est dans sa main omnipuissante par ma volonté de me soumettre à lui. Il peux me refuser ma jouissance génitale pour la remplacer par une autre, anale ou orale par exemple.

  Entre ses mains je deviens un enfant avec la honte de ne pas savoir faire ou pouvoir faire comme les adultes. J’ai honte parce que je passe pour ce que personne ne veut être : immature, lubrique, pervers, fainéant, sale et j’en passe.

  Tant que tout cela reste un jeu le danger est moindre, mais le risque d’une réelle dépendance, de plus en plus profonde, guette les participants.

 

-Adjugé, proclame le commissaire priseur.

Notre esclave, si bien musclé passera son week-end sous la tutelle de la splendide dame en rose. Félicitations Bella.

  Je reçois la clef de la cage et mon jeune homme qui doit avoir sensiblement un peu plus que mon âge s’empresse de se prosterner devant moi et me lécher les pointes de mes bottes.

  J’ai plutôt envie d’éclater de rire, mais ce genre de faux pas ne correspond pas à l’endroit. La domination ne se déroule pas dans une ambiance joyeuse poussée à la dérision comme quand je m’amuse avec Chloé. Elle se pare d’une austérité qui me rappelle les églises et tire son impacte d’une application rigoureuse d’un cérémoniel rigide. Il est vrai que le divin Marquis n’avait rien d’un comique et l’atmosphère étouffante de ses livres n’était qu’égalée par un autre amateur de l’érotisme du tube digestif, Kafka (voir son journal à ce sujet) plus de cent cinquante ans plus tard.

  Mon beau dieu du stade me parait parfaitement content de sa nouvelle maîtresse. Il s’installe tout naturellement à côté de son collègue   - choisi et emporté par Chloé – par terre à genoux, auprès de nos pieds.

  Avec ma tendre complice nous vidons un dernier jus de fruit, sans alcool bien sur, car la route nous attend. Chloé m’a promis de me céder le volant au retour et il me tarde d’essayer son bolide ; encore un rêve de plus de petite bibliothécaire qui se accomplit.

  Maintenant, en heureuse propriétaire d’un esclave, j’ai un peu de mal à envisager la suite de la nuit. Les hommes m’inspirent trop souvent la méfiance. Je ne sais pas comment me comporter devant eux et souvent j’ai l’air maladroit. Je me tourne vers Chloé qui maîtrise allègrement la situation. Elle remarque mon silence et me fait signe des yeux pour que je fasse comme elle.

  Elle accroche la laisse au collier qui est fournie avec les esclaves, donne une bonne tape sonore sur les fesses de son soumis et lui dit :

  -On route mon petit, mon amie Bella et moi, nous avons envie de nous amuser avec vous.

  L’effet de mener un homme en laisse qui, par surcroît se déplace à quatre pattes, ne me laisse pas indifférente. Je me sens puissante et revalorisée. On est au beau milieu de la nuit et nous accordons à nos mâles comme seul vêtement des strings en cuir. Le reste de leurs tenues part dans le coffre de la voiture à Chloé. Un rapide coup d’œil me fait comprendre qu’elle avait prévue le déroulement de notre soirée et je décide pour l’instant de lui faire confiance et de me fier à son expérience.

   Nos hommes installés à l’arrière de la voiture, je tourne la clef du contact. Le bruit du moteur signale, comme j’ai appris par mon frère, un six cylindres en V. La boite est automatique, car Chloé déteste les complications. J’appui doucement sur l’accélérateur et on est partie. Je ne cède pas à la tentation de m’enivrer par la vitesse, trop contente déjà de conduire une aussi belle mécanique.

  Il est presque quatre heures du matin. La nuit est lumineuse par le rayonnement de la pleine lune. J’ai toujours adoré de rouler la nuit. L’autoroute vers Banyuls est déserte. Je vérifie en permanence la vitesse au compteur. La voiture est si confortable et les suspensions si souples que je perds vite la notion de vitesse. Heureusement elle dispose d’un régulateur qui m’évite en plus accélérer avec mon pied. Je goûte la sensation du cuir du siège qui se frotte contre mes fesses nues.

  Il est extrêmement plaisant de voyager avec des hommes dociles. Pas de réflexions bêtes sur les femmes au volant de voitures de sport décapotables, pas de critique de ma conduite, pas de frime pour se mettre en valeur, pas de combat de coq, pas d’allusion au sexe. Le vrai paradis quoi. On s’habitue vite à ce qui est agréable et bientôt Chloé et moi, nous discutons comme si on était seules dans la voiture. Nos sujets concernent nos objets, nous jouets.

 

  Les deux mecs doivent être bien habitués à ce rôle, car ils n’osent pas la moindre parole sans une autorisation expresse de ma part ou celle de Chloé.    

  -J’ai connu pas mal de dominatrices au cours de ma vie, raconte Chloé.

C’est deux-là (elle pointe en arrière de la voiture) viennent d’une bonne écurie, tenue par une maîtresse passionnée d’assagir des garçons un peu trop turbulents.

Cette brave dame est très à cheval sur la rigueur et a reçu plusieurs cravaches d’or dans des soirées fétichistes.

Elle est en charge de pas mal de soumis qui présentent – comme la plupart des hommes - des sérieux problèmes avec la discipline. Chez elle ils découvrent un régime extrêmement strict qui n’est pas forcement à leur goût. Elle doit combattre des scènes, de la révolte et la mauvaise fois avant d’arriver à un résultat convaincant. Mais au bout du compte ses protégés se plient à une éducation anglaise dans la règle de l’art, imposée avec fermeté.

Au moindre faux pas ils doivent se présenter devant elle, le derrière préalablement dénudé, pour recevoir, malgré leur âge, une sévère fessée à la cravache selon la gravité de leurs erreurs. Les progrès sont spectaculaires et ils affichent - comme tu remarques - une docilité à toute épreuve.

Chez elle ils n’ont pas le droit de discuter les ordres. Ils doivent s’appliquer avec le sourire.

Il m’arrive de temps en temps de me prendre un de ses soumis pour le week-end et je n’étais jamais déçue sur la qualité de leur prestation.

J’éprouve un certain plaisir de réanimer le traditionalisme éducatif envers mes grands garçons qui savent bien que chez  Chloé il faut se tenir au carreau, sinon elle se fâche.

  -Ne t’inquiète pas Chloé, Bella aussi saurait imposer le bien fait des méthodes anciennes. Ce ne sont pas deux garçons adultes qui vont faire la loi chez nous.

  -Avant de rentrer Bella, on devrait profiter de cette belle nuit pour une balade au bord de la mer. Je connais une plage tranquille, extrêmement discrète et qui se prête bien à des distractions hors de commun. Que dirais-tu d’une course à cheval. Nos charmants accompagnateurs se feront un plaisir de nous servir de monture, n’est-ce pas ?

Je suis tout feu et flamme et l’idée est adjugée.

Sur parking au bord de la plage, Chloé sort du coffre deux selles en cuir travaillé, s’adaptant à l’anatomie masculine. L’esthétisme sur un homme est seyant.

  -As-tu déjà fait du cheval à nue Bella ?

  -Non, mais il me tarde. Ne devrions-nous pas garder nos bottes ?

  -Je préfère de longues cuissardes, sans oublier une cravache pour chacune. Les hommes chevaux adorent sentir leur maîtresse.

  Une fois tout le monde préparé, avant de monter en selle, j’inspecte l’organe mâle de mon dieu de stade. Me voir en tenue d’équitation improvisée lui suffit pour me récompenser par une belle érection. L’esthétisme d’un pénis érigé est un spectacle qui me fascine toujours à nouveau. Je ne m’en lasse pas de regarder et de toucher.

  -Sois prudente Bella, les soumis sont un peu différents des autres hommes. Parfois il suffit d’un rien pour cela explose tout seul. Tu peux avoir des surprises désagréables sur la route. Pour éviter de tacher inutilement nos jolies cuissardes, je te conseille de détendre ta monture avant l’excursion. Cela lui fera du bien, lui enlèvera une terrible pression et lui permettra de récupérer pour plus tard. Qu’en penses-tu ?

  Je m’installe derrière mon dieu personnel, lui enfile un préservatif et m’apprête à le récompenser pour sa beauté par des caresses buccales.

  -Pas autant Bella, rigole Chloé. N’oublie pas qu’il s’agit d’un soumis. Des tel preuves de faveur doivent se mériter durement. C’est la règle du jeu. Si tu permets, je te montrerai un petit truc amusant que tu ne connais sûrement pas et qui concerne tous les hommes. C’est infaillible, rapide et efficace.

  Son esclave aussi affiche une érection de taille. Avec la tige de la cravache Chloé tapote tout doucement par en dessous sur la verge à peu près vers le tiers le plus haut.

  -Il faut un peu d’habitude pour trouver le bon endroit. Tout l’art réside là-dedans, explique-t-elle.

  Curieuse, je suis ses mouvements. Il suffit de quelques courts instants et une éjaculation magistrale se déverse sur le sable.

Intriguée je m’applique sur mon compagnon. Chloé a raison, c’est amusant et cela marche bien. On accorde une petite récréation à nos hommes. Puis la compétition commence.

  Pour arriver au banc, il y a environ deux cents mètres à parcourir. Nos montures respirent lourdement par l’effort. Chloé et moi, nous pensons chacune qu’à gagner la course et nous nous servons copieusement de nos cravaches.

  J’emporte sur « dieu de stade « avec trois longueurs d’avance.

  Allongées sur le dos, au clair la lune, on profite de avantages d’une compagnie masculine. Nos vaillants serviteurs sont de corvée de nous bichonner avec le bout de leurs langues. C’est une façon extrêmement agréable des profiter d’une belle nuit chaude de début juin, de se laisser aller sous un ciel magnifique, bercé par le bruit des vagues. Je me concentre sur mes sensations, sans me soucier du plaisir de mon cavalier, sans la moindre mauvaise conscience. 

  -Aimes-tu des caresses anales Bella ? , me demande Chloé toute décontractée après un petit moment.

  -Je n’ai pas l’habitude de la part des hommes. Mon ex-mari me sodomisait de temps en temps, surtout quand il avait bu. Il se contentait de me passer une crème grasse, puis exécutait l’acte sans s’attarder sur des caresses.

  -Profitons de l’occasion Bella. Il n’est jamais trop tard pour élargir ses expériences. Mettons-nous en position et laissons faire nos compagnons. Les soumis adorent de pratiquer ce genre de caresse pour leur maîtresse.

  Les fesses en l’air, l’une tournée vers l’autre, on continue notre discussion.

  -Comment tu trouves Bella ?

  -Inhabituel, mais pas désagréable. Je ne savais pas le bonheur d’avoir un soumis à ma disposition qui ne rechigne sur aucune pratique. Parfois, quand la colère me prend, à cause de l’incompréhension de certains hommes, je m’imagine de sodomiser l’un d’entre eux à l’aide d’une ceinture godemiché pour me défouler. Crois-tu que ce genre de fantasme soit répandu parmi les femmes ?

  -Te poses-tu encore des questions inutiles ? As-tu toujours besoin de te rassurer à rapport d’une norme ? Les mœurs ont évolués depuis Master et Johnson. Il est bien connu maintenant que les femmes aussi ont des envies. Bien sur nous avons du retard sur les hommes. Il a fallut le moyen age pour attribuer une âme aux femmes et la révolution sexuelle de la fin du vingtième siècle pour accepter que nous aussi, nous rêvions de satisfaction physique.

Je n’ai aucun mal à t’imaginer avec un homme au lit. Tu dois être du genre de pratiquer le FPSE sous prétexte d’être cool, excuse -moi, sous prétexte d’être inconventionnelle.

  -Le FPSE ?

  -Fellation, pénétration, sodomie, éjaculation faciale ; l’héritage du X en vidéo, légué à la génération désenchantée, quoi.

  -Ne devrais-je pas Chloé ?

  -Uniquement si tu prends ton pied ! Pour revenir à ta question, figure-toi que moi aussi j’aime bien de temps en temps inverser les rôles. Les ceintures godemichés sont une formidable invention qui permettent hélas que des plaisirs cérébraux pour une femme, cette troublante sensation de domination sur un homme, notre revanche sur la masculinité. Mais il ne faut pas se voiler la face. Jamais on saura comment c’est de posséder un pénis. Autant que les hommes ne sauront jamais ce qui se passe en nous quand on éprouve la jouissance.

Et si on faisait la fête à nos fidèles serviteurs plus tard à la maison ?

  -J’y compte bien Chloé. J’aimerais aussi adapter le rituel que tu m’as enseigné avant notre séance de sauna. Crois-tu qu’il soit efficace aussi sur les hommes ?

  -Tu n’as qu’à essayer Bella. Tu n’as ni besoin de mes conseils, ni de mon approbation. N’oublie jamais cela. C’est toi la qui décide toute seule de la musique.

  Avec Fred, c’est le nom de mon esclave, je passe un dimanche où je m’adonne à mes fantasmes les plus fous envers les hommes. Ce défoulement me fait du bien. Fred se prête avec enthousiasme à tous mes caprices. Je lui fais découvrir la terrible crème de Chloé, il apprend sous mes ordres la marche au pas, le strip-tease et la danse érotique. Je m’amuse à le travestir grâce au large choix de tenues du dressing et je ne me prive pas de me déguiser en institutrice sévère pour lui inculquer des bonnes manières envers les femmes. Visiblement il adore ça.

  Puis nous discutons aussi. Dans la semaine il s’occupe d’une agence de publicité dont il est le directeur. Ce que j’apprécies en lui c’est sa large culture, son ouverture d’esprit et son savoir faire pour mettre au point des stratégies commerciales. Il me raconte ses ruses, ses absences de scrupules, ses astuces de marketing et de management. J’ai droit à une confession complète du meilleur et du pire qui anime cet homme. Sous ces allures de soumis se cache un homme qui méprise les femmes, sans se rendre compte, dans le sens restreint de la définition du mot (mépriser : ne pas craindre, ne pas redouter), sinon il ne me parlerait pas si ouvertement de ses coups prodigieux. Pourtant cet homme est un être adorable en dehors de son travail et je ne suis pas contre le fait de le revoir une autre fois.

  Je m’éclate en mélangent mes tendances dominatrices avec une instruction de première main sur le savoir faire dans la vie. 

  La pédagogie érotique me comble sur tous les niveaux et je dirais que l’expérience de ce week-end est plus que enrichissante.

  Le soir, pendant que Chloé part pour ramener nos anciens soumis chez eux, je retourne, entièrement réconciliée avec les hommes, dans mes montagnes. Demain il faudra se lever tôt. Ma bibliothèque aura besoin de sa bibliothécaire.

 

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Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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Lundi 24 novembre 1 24 /11 /Nov 14:22

                                  MARCHÉ AUX ESCLAVES 1

 

  Après le plat principal, une serveuse nous porte la carte de desserts où une nouvelle surprise m’attend. Parmi des préparations assez sophistiquées avec de noms évocatrices, je tombe sur une petite annexe qui s’appelle « La carte des punitions », relevant des tarifs pour des attouchements divers, gifles, étirements de bouts de seins, de grandes lèvres, de testicules, coups de cravache, marche à quatre pattes et j’en passe. Amusée par ce divertissement hors du commun, je demande des plus amples renseignements à mon amie.

  -Tu as observé, ma petite Bella, combien de soumis et de soumises peuplent cette salle. Au moment du dessert, il s’agit d’un rituel que leurs maîtres et maîtresses les proposent au bon plaisir des autres. Moyennant finance fictive, une sorte de monnaie de Monopoly dont nous avons reçues quelques billets en entrant, tu peux laisser libre cours à ton imagination. N’as-tu pas envie d’essayer ?

  -Si je m’écoutais, et je suis décidée de le faire, je préférais me proposer moi-même en dessert. Cela me permettrait de satisfaire mon penchant pour l’exhibitionnisme en toute « impunité » et – ne rigole pas Chloé – de chiffrer mon pouvoir érotique sur les autres. Qu’avons-nous à perdre ?

  -Rien du tout Bella. Au contraire nous avons tout à y gagner. Les billets récoltés servent plus tard dans la soirée pour participer à la vente aux enchères d’esclaves. Plus que nous disposons de jetons, plus grand seront nos chances pour intervenir dans ce jeu. Je te propose donc de me rallier à toi pour quelques punitions supplémentaires. Ensembles nous serons imbattables pour nous constituer un joli magot de départ.

  Cette idée, avancée de bon cœur par mon amie, ne m’enchante pas tellement.

  J’avais envie de me mesurer aux autres pour mieux me situer dans un contexte où la rivalité est à l’ordre du jour et où chacun déploie des grands moyens. Je ne suis pas défaitiste et je pense à m’apprécier à ma juste valeur maintenant. Pendant tout le repas j’étais dévisagée et j’ai cru déceler un vif intérêt pour ma personne autant par les hommes que par les femmes. Néanmoins les motivations ne me semblent pas les mêmes. Pour les hommes je représente un bel objet qui fera la fierté de son heureux « propriétaire » et que l’on a envie de dompter et de punir pour son inaccessibilité. Les femmes en contrepartie se méfient de moi, me considèrent comme une dangereuse concurrente qui faudrait éloigner à tout prix de leur mâle. Faute de pouvoir réaliser ce rêve, je me prépare pour être la cible et le bouc émissaire de leur jalousie et j’attends de pied ferme des convocations pour les punitions de leur part.

  Ce mélange de sentiments à mon égard qui est le contraire de l’indifférence me met en bonne posture d’emporter haut la main cette épreuve.

 

  Mais il y a Chloé qui affiche des données encore plus troublantes que les miennes. Elle est un personnage public, une ancienne danseuse célèbre qui a fait perdre le sang froid à tout une génération d’hommes et qui, par ses poses tellement impudiques sur les tableaux de M, a réchauffé des chaumières entières un peu partout en France par le simple fait d’exister. Bon nombre de tableaux avec elles furent reproduites sous formes de posters à la fin des années soixante-dix et entrèrent en masse dans des foyers et surtout dans des chambres d’étudiants sous prétexte de l’art. Afficher une fille d’un magazine érotique était répudié dans ces années-là et la pornographie attendait encore son meilleur publicitaire, la vidéo. Dans ce contexte M exploitait un formidable créneau qui réconciliait l’air du temps, l’intellectualisme alors, les mœurs de la majorité silencieuse et le besoin d’un érotisme affichable sans honte sous prétexte d’être moderne et d’avoir du goût pour les beaux arts.

  Sans méchanceté je serais tenté de dire que Chloé a inspiré comme aucune autre la masturbation intellectuelle qui ne se distingue en rien de la masturbation commune si ne serait-ce par le choix d’un objet culturellement revalorisé.

  Par la multitude de sujets abordés sur les tableaux dont elle a posé, elle sort du cadre de fantasmagorie envers une star, en imposant un monde prêt à l’emploi où c’est elle qui livre des idées pour des mises en scène.

  Sans fausse modestie je m’estime assez sexy pour rivaliser avec beaucoup de femmes, mais je ne me sens pas capable d’éclipser un mythe bien connu de tous.

  Je fais part de mes inquiétudes à Chloé qui m’écoute attentivement, puis qui frappe par une réponse d’une sincérité déconcertante :

  -Je te répondrais d’abord sur un point de vu humain. Nous sommes venues ici toutes les deux pour s’amuser et j’y compte bien le faire. J’aime autant m’exhiber que toi. C’est plus fort que moi et je ne priverais pour rien au monde mon côté narcissique, même pas pour toi Bella. La rivalité entre femmes, fait partie de la vie, aussi entre amies si proches que nous. Il faut que tu t’habitues. Dans le plaisir chacun est son propre prochain. L’égoïsme est une arme nécessaire pour exister. S’effacer pour un autre, l’oblativité, est l’ennemie de la jouissance charnelle.

Pour imposer tes désirs dans ce monde ma chère Bella tu ne peux compter que sur toi. Si tu veux réussir socialement il faut que tu deviennes iconoclaste, il faut que tu apprennes à renverser des images établies par ta propre présence, que tu perdes tout respect pour ce qui soit saint et vénéré, sinon tu ne peux pas t’élever au rang d’une nouvelle déesse.

Quand j’ai commencé à me produire sur scène la concurrence était rude, des danseuses talentueuses, bien installées ne manquaient pas. Je ne me suis pas laisser intimider et j’ai su par ma ténacité les surpasser. Prend exemple sur moi, Bella. Tu disposes d’un potentiel qui en vaut la peine de tenter l’expérience. Tu te sous-estimes trop. Pour moi tu es une rivale plus que sérieuse, je dirais inquiétante, pour me détrôner. Tu es la seule par laquelle j’accepterais une défaite. N’aie pas peur de me blesser. Dans un sens j’aimerais tellement que ce soit toi qui me succèdes au palmarès des scandales. Es-tu prête ?

  -Je t’aime Chloé, comme être humain, pour tes conseils, pour ton attention à moi, pour ta tendance de me donner inlassablement des coups de pieds au cul. Si je réussissais un jour, ce sera grâce à toi. Pour aujourd’hui on formera une équipe soudée contre le reste du monde. Lançons-nous !

 

J’ai bien fait de relever ce défi. Je n’ai pas pris en compte l’inhibition des autres, même dans un endroit pareil. Des iconoclastes sont rares et je noté cette découverte en vue de ma future carrière. Pour aller au plus haut la concurrence devient clairsemée. C’est dans la médiocrité et surtout dans les bas fonds où la lutte est la plus acharnée et la plus impitoyable. Dès qu’on s’approche des sommets le manque d’air ne pardonne pas.

  Ce soir je prends pour mon compte et celui de Chloé. Je n’ai aucun mal à discerner les motivations à mon sujet parmi des convives qui me commandent en dessert.

  Peu nombreux sont ceux qui osent s’attaquer à Chloé et qui sont - connaissant mon amie - désormais dignes de son estime. Je m’aperçois du contre coup de la notoriété, du isolement des plus grands que l’on n’invite pas à se joindre aux jeux.

  Le patron du lieu, familier avec ce mécanisme, organise une collecte, pas par charité, mais pour un coup de pub bien réfléchie en offrant un dessert Chloé, inoubliable pour sa clientèle. Il ose pour la majorité silencieuse et lui offre ce dont elle rêve.

  Pendant que je me produis à quatre pattes sur les tables en prenant des coups de martinet ou de cravache gentillets pour me punir, Chloé doit effectuer sur le comptoir un strip-tease, suivi d’une danse érotique qui absorbe le public.

  Plus qu’elle excite par la lascivité de ses mouvements, plus le dessert Bella se commande. Quand Chloé provoqué par des acrobaties extrêmes, les claques sur mes fesses se durcissent. J’ai une bonne condition physique et mon postérieur résiste courageusement aux chocs. Je suis dans un état second qui ne relève plus de l’excitation sexuelle, mais de l’ambition de concurrencer Chloé. Pas question que j’abandonne. J’accepte toutes les propositions. Dans les miroirs j’observe une jeune femme, moi, promenée en laisse avec le derrière en l’air. La peau de mes fesses est aussi rouge que le corset de Chloé et striée par les innombrables impactes de cravache.

  Étrangement je ne me sens à aucun instant humiliée par ce qui m’arrive. Je sais que certains utilisent mon corps pour le substituer à celui de Chloé. Mais je découvre aussi comment j’arrive à détourner leur attention du comptoir et de la fixer sur moi. Par ma soumission je soumet l’attention des autres, la concentre sur moi en les transformant en esclaves idolateurs devant mon image. Je saisie parfaitement que dans l’absence de Chloé rien ne m’empêcherais de capter toutes les intérêts. Il me tarde d’appliquer ce nouveau savoir dans ma vie sociale.

  La chance est ce que l’angoisse en moi tient pour impossible, a postulé Georges Bataille. J’ai dû dépasser ce stade d’esprit, car je vois un petit chemin qui mène à la réalisation de l’impossible pour ceux qui se défont de l’angoisse de l’inconnue et qui puisent leur excitation en bravant ce qui fait peur aux autres.

  La chance n’a plus de secrets pour moi et je forcerai ses portes avec impertinence dès lundi.

  Le repas se termine petit à petit. Je tiens bon et la monnaie d’échange s’épuise. Le spectacle est fini.

 

Un homme d’une allure particulièrement avenante qui est resté en observateur, replié dans un coin de la salle, m’aborde :

  -Je vous trouve remarquable Mademoiselle Bella, surtout en ce qui concerne votre corps. Vous avez un physique qui sort de l’ordinaire et qui mérite attention.

Je suis photographe et à la recherche de nouveaux modèles. J’aimerais vous laisser ma carte. Réfléchissez la tête reposée si cela vous intéresse et téléphonez-moi le cas échéant. Je vous souhaite encore une joyeuse soirée.

  Il n’est pas lourd dans son approche et parfaitement poli. Il n’essaye nullement de s’imposer où profiter de son statut (s’il dit la vérité et j’ai tendance à lui croire). Je lui trouve un certain professionnalisme qui évité de m’accaparer de suite et de me détourner de l’ambiance de fête. Il sait faire la différence entre amusement et travail. J’ai la sérieuse conviction que sa proposition tienne la route. Je verrais cela la semaine prochaine.

  Je range sa carte dans mon décolleté sans avoir le temps de la contempler. Chloé est de retour et me félicite pour ma performance. En comptabilisant nos jetons je m’aperçois que je dépasse Chloé de loin. C’est un peu comme à la bourse. Ce sont petits porteurs qui apportent le plus, mais quelques élues qui raflent bénéfice et gloire.

  Mon derrière est en feu, mais je ne regrette pas mon expérience. Pour mieux comprendre la vie et les êtres humains il faut accepter de payer de sa personne. Je dormirais cette nuit sur mon ventre, consolée par mes entrevues qui m’ont enseignées le « comment », si précieux pour se réaliser devant les autres.

  Je mériterais bien une récompense pour mes efforts !

  -Tu mériterais bien une récompense pour tes efforts, Bella.

C’est Chloé qui ne perd jamais le nord.

  -Mission accomplie ma chérie. On a raflé la mise. Après le café commence le marché aux esclaves et nous sommes en posture d’appréhender cet événement en toute sérénité. Il me tarde de découvrir la marchandise.

  Ce terme de marchandise dans la bouche de mon amie ne me choque nullement. Nous nous trouvons dans un univers parallèle de la vie sociale avec sa propre norme de morale et moralité. Ici le sens commun obéit à d’autres règles, tel que le consentement à l’escalade dans la perversité. Je suis tellement bien ici, entouré par des âmes sœurs.

  Le SM et le fétichisme structurent le temps autrement que la vie quotidienne. Devant une punition des secondes se transforment en éternité et pendant la cérémonie toute pensée s’estompe. Je ne suis que corps, capable d’éprouver des sensations intenses. Une séance de SM n’est jamais un déroulement temporaire, elle n’est que l’instant, l’angoisse d’un perpétuel imprévu, l’effacement de toute certitude, reflet exact de la vie tel que l’on n’aime pas la voir.

 

suite

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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Dimanche 9 novembre 7 09 /11 /Nov 21:06

Soirée spéciale 1

 

  Cet après-midi a révélé à mon amie l’étonnant changement que je mets en pratique. Mon approche à la sexualité prend allure d’un libertinage parfaitement assumé. J’ai balayé mes inhibitions et je ne les regrette pas. J’évolue dans une bulle d’insouciance où les interdictions disparaissent une par une. J’ai goûté au fruit défendu par les religions monothéistes et le goût m’a convaincue. Il fut un temps où la vie se présentait moins compliquée. Sous le polythéisme on adorait des dieux et des déesses de fertilité et on préparait les êtres humains à une approche simple et naturelle au plaisir de la chair. La pulsion sexuelle occupait le premier plan du culte et on la vénérait pour sa beauté et sa puissance créatrice. La pulsion était sollicitée et se pratiquait pendant d’innombrables rites. Aujourd’hui l’accent s’est déplacé sur la beauté de l’objet, ou plutôt celle du partenaire pour ceux qui se heurtent à la terminologie purement scientifique de Freud. Notre langage s’est imbibé d’une hypocrisie à toute épreuve et quand on vante la beauté d’une femme, il s’agit d’une façon détournée pour exprimer qu’elle soit sexuellement attirante. Les américains nous ont légués le mot sexy (ce qui excite le désir sexuel) mieux adapté à notre société. Son emploi est restreint et carrément prohibé par le sens commun en ce qui concerne le couple. Les hommes se vantent devant leurs amis que leur femme soit belle et évitent précautionneusement de mentionner qu’elle soit sexy.

  En ce qui concerne les pratiques amoureuses (encore une aberration du langage) les mœurs se sont élargies pour une minorité, même si les films porno essayent de nous faire croire l’opposée. Le jour que les pratiques se libèrent vraiment, il n’y aura plus besoin des films X. Au lieu de fixer comme hypnotisé des images du petit écran, les gens seraient absorbées par leur propres mises en scène. Les intellectuels progressistes, pour marquer leur ouverture d’esprit, se servent du joli mot « conventionnel » » pour critiquer ceux qui ne s’abandonnent pas au libre échange, uniquement guidé par la recherche du raffinement.

  Mais ce qui me provoque vraiment la nausée est la désignation « femme libérée », très en vogué dans les années soixante-dix. On nous octroie généreusement le droit de satisfaire nos mâles de toutes manières imaginables pour nous faire oublier que l’égalité sociale entre hommes et femmes reste du domaine législatif. Les dispositifs sont en place mais le peuple ne suit pas.

  J’avoue que je suis en mauvais terme avec les hommes. J’émets des préjugés qui ne sont pas forcements fondés sur des faits en général, mais sur des déceptions personnelles. Je devrais me pencher sur la question dès que l’occasion se présentera pour réviser mes approches. En ce moment je suis sous l’emprise d’un processus évolutif que je ne veux confondre en aucun cas avec sa finalité.

  J’ai enfin repoussé mes propres limites en entrant dans un pays qui est restée trop longtemps en sommeil à l’intérieur de moi. En refusant de l’accueillir je me suis frustrée par un puissant refoulement en me croyant heureuse et équilibrée. J’avais accepté un mode de vie qui n’était pas le mien et que mon entourage m’a dictée depuis que je peux me souvenir.

  Maintenant je suis en mesure d’apercevoir les étendues de ce désastre. L’ancienne Bella ne connaissait ni le bonheur ni la satisfaction. La nouvelle Bella est prête à écouter son corps et ses pulsions, bien décidée de les vivre consciemment. 

  Chloé n’a eu aucun mal à me convaincre pour une soirée quelque part dans une grande ville des Corbières dans un club privé où la mise en scène du désir sous toutes ses coutures est pratiquée et célébrée.

Ce n’est plus l’inhibition qui hante mon esprit mais plutôt une certaine angoisse devant l’inconnu. Encouragée par mes nouvelles expériences et mes progrès rapides devant la difficulté, il me tarde déjà d’affronter ce démon qui a élu domicile en moi. Désormais il ne peut plus se cacher car comme une archéologue je retourne couche par couche mon inconscient.

  Georges Bataille à dit : Le propre de l’angoisse est de se fondre en extase. Je verrais bien dans un avenir proche de mon « expérience extérieure » si cela se vérifiera.

  Chloé a su me rassurer que ce genre de lieux n’a rien en commun avec l’échangisme qui n’est pas ma tasse de thé. Je peux le dire objectivement, car je ne serais plus gênée de réaliser un fantasme qui me traverse la tête. Libérée de mes inhibitions je comprend mieux le sens du diction : Il n’y a pas que le sexe dans la vie. Cela peut paraître surprenant vu mon actuelle façon de vivre. En me privant des aventures sexuelles mon inconscient a dû utiliser toute mon énergie disponible pour me maintenir dans un état de léthargie artificielle. Maintenant je dispose des ressources inépuisables, comme il me semble, et je suis déjà en train de les répertorier pour un changement radical de ma vie sociale. Je ne suis pas pressée comme d’habitude, mais je sens qu’au niveau de ma carrière professionnelle je n’ai pas encore dit mon dernier mot. Je pousse ces pensées de côté. On est samedi soir, rideau pour la fête. C’est bien de savoir faire un break sans remords. J’ai envie de m’amuser avec Chloé dans une atmosphère érotique. L’acte sexuel n’est ni la finalité, ni l’enjeu du lieu. On y vient pour échanger des fantasmes, se mettre en scène, pour être vu par les autres ou pour les regarder simplement.

 D’abord Chloé insiste sur le caractère privé de cette ferme immense perdue dans les vignes : Ici n’entre pas qui veut. Le cadre est amical. La majorité des clients se connaissent depuis des années. Chloé venait ici avec son mari pour délirer avant que la mode ait pris dans des grandes villes. Le climat est libertin sans qu’on soit agressé. Il n’y a pas des séances des tortures comme on les voit un peu partout maintenant. Les jeux se limitent au fétichisme et à des formes soft de SM. Chacun est entièrement libre de faire ce qu’il lui plaît en respectant les autres. On peut y manger comme nous le prévoyons, prendre un pot au bar, danser sur la piste ou s’exhiber à sa guise. J’ai envie de me laisser inspirer par l’endroit.

  Le terrain qui entoure la ferme est entièrement clôturé. Un grand portail marque l’entrée. Le gardien porte un uniforme semblable à ceux des grands hôtels. Il connaît Chloé et on pénètre sans la moindre difficulté. Il n’a même pas demandé des renseignements sur moi. La compagnie de Chloé suffit pour que les portes s’ouvrent, pour être saluée partout avec le sourire.

  À la garde robe vient le moment de vérité. Un lustre en cristal jette une agréable lumière jaune. Un miroir à l’ancienne, ciselé, reflète nos images. Je porte une robe à courtes manches bouffantes en brillant satin rose avec un décolleté plongeant. Elle est serrée à la taille avec un bas très évasé sous lequel sortent une multitude de jupons. La robe est si courte qu’on aperçoit en permanence le haut de mes bas. Depuis l’après-midi je n’ai pas quitté mon corset. Mais pour être plus à l’aise Chloé m’a bien détendu le laçage. J’ai moins de mal à respirer et le vertige est parti.

  Mon maquillage est assorti à mes cheveux bleutés et le rouge à lèvres répète la couleur de ma robe. Je suis l’apparition d’une poupée vivante. Je me trouve belle et troublante à souhait. Chloé est allée loin dans la sophistication. Elle aussi a gardé ses sous-vêtements et comme moi évité, d’enfiler un string. La nudité sous ma robe m’est plaisante et l’idée que mon intimité puisse se dévoiler en dansant, m’excite. J’ai envie de tenir parole devant Chloé. Je voudrais que l’on me regarde de partout. La robe à Chloé est identique à la mienne, mis à part un lourd tissu en vinyle noire reflétant. Pour le maquillage elle a déployé des grands moyens. À l’aide d’un aérographe elle a transformé son visage en paysage printanier avec un papillon multicolore dont les ailes ont pour centre ses yeux. Ses cheveux sont relevés en chignon, saupoudré de paillettes. Ses bijoux sont froids, presque austères.

  Elle m’a prête une parure complète de perles. Jamais avant j’ai eu l’occasion de portes des si beaux bijoux.

 

  Notre entré en salle ne laisse personne indifférent. Les regards se tournent vers nous, survolent Chloé pour la saluer et s’arrêtent sur moi. Quelle différence avec ma bibliothèque. Je suis remarquée enfin. Chloé m’a ôté le voile d’invisibilité qui m’a laissée sombrer dans l’anonymat pendant des années. J’étais une fleur qui se croyait déjà fanée avant d’avoir fleurie. Avec Chloé je commence à comprendre qu’il n’y ait jamais un «meilleures années derrière soi » mais que « des instants précieux à vivre devant soi ». À moi de me créer des occasions. Je suis encore un peu inhabituée à cette démarche et mes bottines à hauts talons me rappellent à chaque pas de ne va perdre mon équilibre, peu importe ce qui arrivera dans le futur. Comme je me suis aperçue il n’est pas difficile à apprendre, seul la prise de décision est dure. Une fois lancée, il suffit de suivre son propre élan. Cela me donne l’aisance de me montrer dans une tenue provocante devant des inconnus. D’ailleurs je ne suis pas la seule dans une tenue hallucinante. Le dress-code préconise cuir, vinyle et latex. Les femmes rivalisent par des extravagances. Mais je prend conscience d’une chose : je possède vraiment un corps hors du commun, souligné par mon mètre soixante douze hors talons et mes formes sculpturales. Chloé avait raison : j’étais une beauté qui s’ignorerait.

  -Je vous présente mon amie Bella, dit Chloé. La fierté dans sa voix ne fait aucun doute.

  Je suis confrontée à tout genre de regards ; agréables, complices, étonnées ou coquins. À travers de mon corps j’aspire le désir et seul Chloé sait m’éclipser.

  Je prends bonne note et me servirais désormais de mes avantages physiques aussi hors compagnie de Chloé.

  La salle abrite un comptoir en bois sombre et un coin restaurant dans lequel se trouvent une vingtaine de personnes sous une lumière artificielle qui est le plus dense au plafond pour s’évaporer doucement vers le bas. Des bougies sur les tables, des fleurs aussi. Sur la table de Chloé est posé un bouquet de fleurs de champs. Elle aime leur aspect sauvage. À ma grande surprise les roses et orchidées la laissent indifférente. Son goût démarque en tout.

  La clientèle est composée en majorité par des couples, quelques rares hommes seuls et encore moins de femmes seules. Une tenue suggestive est de rigueur.

  L’âge moyen tourne autour de celui de Chloé, puis un gouffre sépare des jeunettes dont je suis de loin la plus âgée.

  La musique est lourde, psychodélique et fait rêver, style Velvet Underground ou Enigma. Je suis un peu déroutée. Je ne sais pas ce que Chloé attend de moi. Autour de nous des couples exubérants, des débuts de mise en scènes, des serveuses ultra sexy qui portent des plats. Et Chloé qui s’entoure de silence. Son regard est vide comme celui décrit sur son mari. Elle me semble si loin. Je me sens oubliée, abandonnée par Chloé et par… l’ancienne Bella.

  L’air dans la salle de restaurant est frais. Les ventilateurs tournent. Leur usage m’est compréhensible : mélanger les parfums. Selon la direction je suis exposée à des réactions olfactives différentes. Je distingue clairement l’odeur des hommes de celle des femmes. Parfois il y a trop de parfum, quelqu’un essaye de se cacher sous un faut personnage. Le mensonge des apparences, serait-il si facile à détecter ? L’attrait de l’étrange stimule ma curiosité, l’envoûtement par des voix qui viennent de partout. La musique me berce, je suis en train de subjuguer à des charmes sur lesquels je ne peux pas mettre un visage. Que se réveille-t-il en moi ? Quelle bête féroce se cache en moi ?

  Des voix se brisent comme des vagues sur un océan de désirs. Je suis immobile, mes yeux sont dirigés vers mon propre moi, l’extérieur devient un cocon, un univers fœtal. Les odeurs, bruits et mouvements se confondent. Je suis engloutie dans des rêves érotiques. Mais ce ne sont plus des rêves, ce sont des pulsions fortes qui échauffent mon sang. Des images défilent devant mon œil intérieur. Certains sont semblables à ce que j’observe ici, d’autres à ce que j’ai vécu avec Chloé, à ce que j’ai vécu avant elle. Certains n’ont pas de visage, ce sont des pulsions que je n’arrive pas encore à définir. Je ne sais pas où ils m’amèneront. Pour l’instant ce ne sont que des pulsions.

  Je vois de soumises avec leur maîtres et je m’imagine à leur place. Je vois des dominatrices avec leurs soumis, agenouillés par terre aux pieds de leur maîtresse et je serais tentée par une telle expérience.

  Une odeur me ramène à la réalité, c’est la mienne. Mais elle ne vient pas de moi, elle vient de la personne en face de moi. La vie est retournée dans les yeux à Chloé. Elle m’observe.

  -Tu es revenue parmi nous Bella ?

 

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Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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Dimanche 9 novembre 7 09 /11 /Nov 21:04

Soirée spéciale 2

 

  -Que se passe-t-il avec moi Chloé ? Pourquoi tu m’as amènée ici ? Cet endroit me dépasse. Je n’arrive plus à me situer. Je suis en train de faire naufrage au milieu de l’inconnu. Je m’accroche sur mon radeau sans pouvoir résister au vent. Aide-moi.

  -Tu es encore novice de ce genre d’endroit. Si tu reviendrais régulièrement, tu fera une étrange découverte. Personne n’est capable de se situer devant des tels stimuli. Un maître d’aujourd’hui peut devenir un soumis un autre soir. Une dominatrice, si fière et hautaine, sera promenée en laisse dans une semaine. Le plaisir ne se définit pas, ne se laisse pas saisir, il sera toujours imprévisible. L’univers fantasmatique se récrée à chaque instant différemment à l’intérieur de nous.

Je t’ai montré cet endroit pour que tu comprennes notre similitude. Pour nous deux mondes existent : la séduction comme prélude à la rencontre et le laisser allée comme prélude à l’épanouissement.

Dans la séduction je maîtrise mon monde, c’est moi qui crée les liens et qui détermine leur degré et profondeur. Dans le laissé aller l’expérience ne sert à rien. Un débutant doué peut dépasser un connaisseur.

Tu sais Bella, en matière de sexualité chacun est une île. Il n’existe pas deux êtres avec des pulsions identiques. C’est la raison pour laquelle on éprouve autant de mal à affirmer ses propres tendances.

Cela commence déjà à la puberté où il faut trier parmi une multitude de pulsions différentes pour se construire un personnage. La sexualité génitale classique est en quelque sorte le billet d’entrée sur la scène des adultes, mais une fois la porte passée chacun est libre d’assouvir ses rêves les plus farfelus. Comme tu constates, nombreux sont des indécis qui remettent continuellement leur orientation pour telle ou telle autre pratique en question. Chacun à la recherche d’un plaisir suprême qui – à mon avis – n’est qu’une pure illusion. Tant qu’à faire, le mieux pour se débarrasser d’une illusion consiste à se familiariser avec la diversité.

  -Tu veux dire, Chloé qu’il faut s’abandonner à la perversité pour vivre dans le vrai ?

 -Que est-ce la perversité ? Rien de plus que des pratiques considérées comme des déviations par rapport à une norme arbitraire, une sexualité infantile à l’état brut, qui ne connaît pas l’interdit.

Perdu dans ce décor, personne n’est là pour nous soutenir, nous guider. On est vraiment seul et abandonné. C’est pour ça que j’aime cet endroit. Il me met en face de mes incohérences et irrationalités. Si j’arrive à m’affirmer ici, je deviens plus forte. La vie de tout les jours en comparaison, c’est de la rigolade. Ici je suis mise en face d’un large échantillon de destins absorbés à imposer leur différence. Mais la différence ne se trouve ni dans l’autre, ni dans la multitude, elle est en moi.

Alors en premier lieu je dois accepter ma singularité qui me distingue des autres. C’est elle qui me donne de la valeur à leurs yeux. Mon désir à moi me défini en face des autres. C’est ma carte d’identité.

Pas de question de réprimer mon désir. Ce serrait fatal. Un désir inassumé m’empêcherait d’accéder à la plénitude.

Bella, tu as passé une partie de ta vie à "subir" la sexualité comme s’il s’agissait de faire plaisir à quelqu’un sans prendre du plaisir toi-même et tu n’avais jamais rencontré une personne qui te convient sur le plan physique. D’où ton malheur. Il n’est pas forcement dû à l’erreur des autres, je dirais que ce soit plutôt ta propre faute. Tu as refusé de te mêler à la vie.

Au fond de toi se trouvent une multitude de pulsions qui forment ton désir physique. Si tu ne les suis pas, tu te prives, Se priver c’est la pire des soumissions à une autorité. Peut importe s’il s’agit de ta famille, ton milieu social, d’une religion, de la politique, de la philosophie ou ton propre jugement. Il est parfois difficile de changer un vécu entier, mais il faut se donner les moyens. L’enjeu est trop important. Il concerne notre existence, ce merveilleux fait de vivre consciemment.

  -Tu as raison Chloé. Les histoires des autres m’ont empêchée de chercher mon plaisir. J’ai confondu le leur avec le mien. Je n’étais pas consciente que ce refus forme un obstacle. J’ai vécu sans exister. Je pris conscience ici, ce soir.

  -Voila pourquoi je t’ai amené avec moi. Je ne suis pas une voyante mais les êtres humains se posent tous les mêmes questions.

  -D’un côté Chloé, tu sembles révoltée contre la soumission, de l’autre tu vie des expériences dans ce sens là. Comment fais-tu pour équilibrer ta balance personnelle ?

  -J’attribue une connotation jouissive à la douleur et à l’humiliation au niveau de ma sexualité. Cela ne constitue pas du tout une conduite de soumission sociale. La douleur et la mise en scène enivrent ma sensibilité. Les limites de mon moi s’effondrent et l’exquis et le douloureux se mélangent en volupté.

  -Je t’admire Chloé. Chez toi la sexualité et la vie sociale sont parfaitement dissociées. J’aimerais bien arriver à ce stade. Pour l’instant je suis incapable de séparer mes aspirations de vengeance sur le monde et ma jouissance.

  -Soit patiente Bella. Tu es plus loin dans tes recherches que tu soupçonnes.

Bientôt tout se clarifiera dans ta tête. Tu n’es pas un monstre, ni une détraquée.

Avant tout je pense qu’il faut distinguer entre sadisme narcissique et sado-masochisme. Le sadisme narcissique se caractérise par une absence totale de compassion, de l’émotion et de l’intérêt pour un autre être humain. Il s’agit plutôt d’un phénomène social que jouissif.

Le sado-masochisme par contre est une anticipation pendant la petite enfance à l’expérience génitale et une révolte contre elle ; une acceptation troublante de la passivité où la liberté se défini par le droit de subir douleur, humiliation et dégoût pour jouir. Mais le SM n’est pas du tout statique, il est ambivalent et il oscille en permanence entre ses extrêmes. Cela explique pourquoi j’aime tantôt te dominer, tantôt me soumettre à tes ordres Bella.

-Tu exprimes la même sensibilité que moi aussi j’éprouve devant des faits si ambiguës.

Je me suis, pendant longtemps, penchée sur la philosophie du divin Marquis. Il profite du siècle des lumières pour éclairer se qui se cache de plus sombre dans l’être humain. Comme Kant il s’intéresse aux lois qui gouvernent les rapports interhumains, mais d’une façon plus subversive et réaliste. L’essentiel de sa théorie se base sur la prémisse que la loi ne tient pas compte du désir. Dans ses œuvres on rencontre toujours trois instances : Une première personne qui invente ou établi une loi, une deuxième qui l’applique et une troisième qui la subit contre son gré, un reflet exact de la vie quotidienne.

Admettons maintenant que je me soumette à une autre personne dans une mise en scène parce que tel est mon bon plaisir. Certes, je tiens compte de ma volonté d’adulte et je m’engage dans une relation SM pour vivre mes pulsions en vu de mon bonheur. Mais alors j’accepte tout de même ce qu’un autre me dicte.

  -Tu es vraiment de mauvaise fois Bella : l’autre tient compte de ton désir le plus profond et t’aide activement à accepter tes incohérences. Il t’impose ce tu aimerais subir et ce que tu n’oses pas avouer. Il te sert de béquille pour vivre ce que tu te défends habituellement. Il te donne la permission pour ton acte, l’absolution avant le pêché en quelque sorte. C’est ça le vrai respect pour un autre, le comprendre, l’accepter et l’aider à s’épanouir. Si une vie de couple se construit sur une telle base, la vie est belle et on peut vraiment parler de l’amour : S’aider mutuellement à accéder à la satisfaction des sens et au partage des sentiments et des valeurs. Je ne dis pas que les relations SM soient la seule possibilité d’arriver à ce stade. Elles sont un moyen parmi tant d’autres.

Certains arrivent intuitivement, sans les mots, sans les mises en scène, deux corps et esprits en parfaite harmonie. Dans la réalité cette configuration est plutôt rare depuis que l’homme existe. Sinon qui s’aurait donné le mal d’inventer des livres comme le Kama -Sutra. 

 

  -As-tu des fantasmes qui t’inquiètent, Chloé ?

  -Non, je n’ai pas de pulsions inavouables. Ils sont tous, sans exception, réalisables. J’ai commencé très jeune à les mettre en pratique. Poser nue pour un inconnu, poser en groupe avec d’autres modèles en faisaient partie. Ce sont des mises en scène absolument inoffensives.

La cruauté et la brutalité qui peuvent mettre en péril mon partenaire me sont étrangers et à méchanceté me manque complètement.

Par contre je sais défendre mes intérêts si on veut me marcher sur les pieds ou m’imposer ce qui ne me plaît pas. Heureusement, sinon on m’aurait bouffée tout cru quand j’ai quitté ma mère.

  -Connais-tu ton père Chloé ?

  - Oh que si. Quel drôle de spécimen ! Il était fils de profession et si on croit mon grand-père c’était un rejeton indigne.

Au lieu de s’occuper des affaires familiales, il consacrait sa vie aux études et voyages. Il a vécu dans pas mal de pays différents.

On l’appelait le "païen". Il n’adhérait à aucune religion, secte, famille politique ou courrant philosophique. Cela n’insinuait pas qu’il ne s’intéresse pas à ces matières. Au contraire, il pouvait participer à n’importe quelle discussion sans manquer des connaissances et des arguments. C’était un homme brillant et estimé. Tu constates que la futilité est tradition chez nous.

La séduction et le charme je les tiens de ma mère. Puis après il y avait le travail pour affiner ce que la nature m’a offerte. J’ai commencé des cours de danse parce que j’avais envie. Quelle belle leçon de grâce, quel moyen magnifique de s’exprimer avec son corps et ses gestes.

J’adore toujours cette discipline. En dansant, j’exprime mon exhibitionnisme parce que la sensualité l’emporte sur la pudeur.

Par-dessus de ce "tout vas bien" je me consacre à mes fantasmes. Je ne veux et peux pas les expliquer toutes. Je me contente de prendre conscience de leur existence et de les mettre en pratique. Tant que mes désirs ne opposent aux désirs de mon partenaire, il y a de la place pour l’harmonie. Tu n’es pas heureuse avec moi Bella ?

  -Oh oui, le terme est faible. Je ne me suis jamais sentie aussi bien avec un autre être humain qu’avec toi.

Grâce à toi j’échappe à la monotonie et je connais enfin l’amour.

  -C’est un beau compliment Bella. Mais je doit te prévenir de suite : Ce que tu perçois comme amour pour moi, n’est qu’un passe-temps transitoire. En ce moment tu apprécies mon côté initiatrice, séductrice, mon côté humain et femme. Je suis la cible de tes ambitions et convoitises. Tu n’arrives pas encore à sonder tes profondeurs. Une fois cette compréhension atteinte, tu t’en lasseras de moi. Tu n’auras plus besoin de moi et de mon aide. D’abord tu éprouveras moins souvent le besoin de me visiter, tu vas essayer de me cacher tes nouveaux sentiments par peur de me blesser. Mais petit à petit on se perdra de vue.

  -Je ne te quitterai jamais Chloé. C’est toi qui se lassera de moi la première.

  -Ne dit pas de bêtises Bella. Tu sais que j’ai raison. Pense à l’instant présent, l’avenir viendra tout seul.

Maintenant suis moi pour mieux me connaître. J’ai envie de te montrer une autre facette de moi.

  Chloé se lève. Dans la salle cela est perçu comme un signal. D’autres couples nous suivent. Que se passera-t-il ? Mon amie me guide vers une autre salle. À l’intérieur se trouve une piste de danse et - je ne suis plus surprise - un murs entier dédie à la danse de Chloé, copie d’un tableau de M.

  Le fond sonore donne une dimension de plus à cette peinture. Il la fait vibrer. Les yeux sont captés, les oreilles aussi. Je devine que Chloé veut danser. Je n’ai jamais vu Chloé danser.

  Je ne me doute pas une seconde que je vais assister et être témoin d’un aperçu de son pouvoir quasi magique sur les femmes et hommes. La piste se vide, la pièce se remplit. Chloé monte sur scène. Je me pose la question si elle ne se sent pas ridicule à son âge de se déhancher en habits hallucinants devant une foule de voyeurs.

  Il faut beaucoup de talent et d’entraînement pour bouger aussi gracieusement qu’elle sur des talons si hauts de ses bottines. Ses gestes sont lents au début, décalés selon un système compliqué, à la musique. Avec ses mains au dessus de sa tête, elle fait appel aux dieux du son pour la pénétrer et se manifester en elle. Le décalage voulu se transforme par une absorption auditive en sens de rythme. Elle s’abandonne à la musique, lui suit avec élégance, en laissant guider ses pas et mouvements. C’est vrai, c’est beau à observer. À mon goût ce n’est pas assez pour mobiliser des fidèles ou se faire des nouvelles adeptes. L’élément essentiel est absent. Pour l’instant elle ne fait pas la différence avec une autre bonne danseuse.

  Malheureusement je ne comprends pas beaucoup à la danse pour savoir que Chloé a besoin d’échauffer ses muscles. Le port d’un corset assez rigide, défavorise certains mouvements comme si elle voulait volontairement se limiter dans ces figures. Son passé dans son dos sous forme d’un tableau, son avenir devant ses yeux - moi Bella - elle célèbre son présent, s’affirme devant les autres, devant n’importe qui désirant la regarder. Elle n’est pas coincée, elle n’a pas peur de ce qu’elle est.

  Le son monte, les basses fréquences sont prédominantes. Même moi, inhabituée à ce genre de soirée, je commence à éprouver une réaction corporelle. La musique est partout dans ma tête, elle résonne.

  Avant, le terme résonner, n’avait aucune signification pour moi. La résonance dans ma tête me provoque des vibrations qui couvrent peu à peu mon corps entier de chair de poule. Ce sont des frissons agréables qui apparaissent là où je les attend les moins, pour se déplacer aussitôt avec une rapidité déconcertante. Ils sont nombreux, imprévisibles et gagnent en intensité avec le son qui ne cesse d’augmenter. Impossible maintenant d’entendre une voix. La musique efface l’existence des autres autour de Chloé. Je ne vois qu’elle. Elle passe à la vitesse supérieure en posant deux mouvements là où le compositeur n’a prévu qu’un seul. Son exercice n’est plus reproductible par n’importe qui. Elle ne se contente pas avec l’effet de surprise. Elle parvient à tripler, puis à quadrupler un simple temps. Le spectacle devient impressionnant. Je n’ai jamais vu une maîtrise pareille. Chaque mouvement est exact et complet. Il y a une telle précision dans sa performance qu’une sorte d’envoûtement se propage. Chloé est un centre incontournable qui attire les regards et les envies.

  Je ne sais pas s’il y a beaucoup de jeunes femmes qui puissent la concurrencer, la rivaliser, rien qu’au point de vue d’esthétisme. Quand elle avait dansé devant M, elle était si jeune, au début d’une carrière qu’elle a dû malheureusement abandonner à cause d’un tragique accident.

  Avait-elle prévu, de se consacrer entièrement à M après la fin de sa carrière ? Avait-il lui demandé dans sa jeunesse de s’arrêter pour lui ?

Peu importe, avec vingt-cinq ans de décalage, elle offre un spectacle toujours grandiose. Je n’ose pas imaginer sa vitesse antan avec les années et la contrainte du corset en moins.

  Pourtant son charme ne se limite pas uniquement à l’expression de son corps. L’étrange arrive, l’odeur s’en mêle. Avec des mouvements quasi extatiques, elle balaye la piste de toutes les odeurs présentes. À la fin il ne reste que l sienne. Elle est agréable et plaisante, souligné par un parfum qui le rehausse encore. Avec ses bras, ses jambes, son corps entier, elle projette des nuages de phéromones enivrants. Qui peut résister à la fragrance d’une telle fleur qui s’offre pour être cueillie ? Je comprends M. En observant Chloé du premier rang, à si peu de distance d’elle, il a dû percevoir de suite cette particularité qui rend Chloé si unique ; unique aussi parce qu’en elle les cinq sens s’incorporent à la perfection. Même le goût de sa peau est un délice. D’ailleurs "La fille au cheveux noirs" fait allusion à cela. M a su transmettre par son tableau des sensations qui dépassent la vue. Tout y est, un hommage grandiose à une jeune fille sur le seuil de devenir une femme, si incontournable que le peintre s’efface volontairement derrière elle.

   Les cinq sens ébranlés, mon excitation sensorielle est au maximum. Prêt à m’envoler, je m’imagine devant la poétesse Sappho qui savait plus que mettre de la musique sur ses vers. Chloé n’a plus besoin de m’ensorceler, je suis déjà subjuguée par son charme. Je voudrais rester avec elle pour toujours.

  Chloé est en transe, cette transition mystérieuse d’un état vers un autre, si proche du divin. La musique s’arrête brusquement après un crescendo et un finale en bouquet. Elle tombe dans mes bras, elle est épuisée.
  Le silence nous entoure ; des regards qui me jalousent de ma copine. Je suis comblée, revalorisée et je sens la vie en moi. La magie de la musique et du son fait partie désormais de mon univers, grâce à Chloé, une fois de plus.

  La signification de l’endroit me parait évidente. Il sert en même temps à l’excitation et à la privation des sens. En ce lieu, tant apprécié par Chloé et son mari, des scènes se répètent, mais la configuration a changé. C’est moi, la compagnie de Chloé maintenant. Elle, elle persiste, elle est éternelle.

  Le temps ne saurait pas la ronger.

  Je suis la seule dans cette soirée privée qui ne soit pas privée. J’ai le droit de la toucher et de la tenir dans mes bras. Je tangue sur mes hauts talons. Même épuisée, Chloé tient la barre du navire. C’est ça un équilibre universel.

  Avec elle dans mes bras, je retourne au bar.

  -Tu ne vieilliras jamais Chloé, dit le serveur et nous offre à boire, un mélange de jus des fruits frais avec une pointe d’alcool. Il connaît les goûts de mon amie.

 

suite

 

 

 

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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Dimanche 12 octobre 7 12 /10 /Oct 09:34

                                    L’érotisme des corsets 1

 

  Chaque fois quand j’arrive chez Chloé à Banyuls, le monde qui m’entoure pendant la semaine s’arrête d’exister.  

  Mon passé s’efface, mes angoisses existentialistes de bibliothécaire d’une petite ville s’envolent. Je deviens un autre personnage, une jeune femme sans souvenirs douloureux, sans souvenirs de mon ancienne vie tout court.

  Je ne suis que Bella, jeune femme séduisante, amante de Chloé. Ensemble nous nous créons des distractions, chaque fois renouvelées. Notre complicité s’approfondie de plus en plus. Nous n’avons pas des secrets l’une envers l’autre. Nous abordons tous les sujets. J’apprends beaucoup sur les hommes à travers des récits de Chloé. Elle me permet de pénétrer par une large porte dans l’univers masculin. Les hommes me deviennent compréhensibles, prévisibles et me paraissent, pour la majeure partie entre eux, facilement manipulables par des belles apparences féminines.

  La petite révolutionnaire, qui existe en chaque femme dégoûtée par la dictature de certains hommes (avec la complicité de la légion des femmes consentantes), rêve, au moins une fois dans sa vie, d’une communauté mâle entièrement prévisible, sans comportement surprise. Je serais tentée de considérer ce phénomène comme une forme de défoulement salutaire pour consoler les frustrées comme moi avec la réalité. J’ai toujours rêvé de dominer l’espèce masculine uniquement par la beauté de mon corps. Cela me semble évident dans mon cas, car sur un niveau intellectuel je sais me faire remarquer. D’ailleurs j’évoque souvent la méfiance par mes connaissances. Cela ne m’attire pas la sympathie et en aucun cas le désir, mais je refuse de me cacher sous une niaiserie bête, tant apprécié par certains mâles.

  Mon évolution personnelle, déclenchée par Chloé, me permet de percevoir maintenant au-dessus de la domination sexuelle un pallier encore plus excitant jusqu’alors cachée, celui de l’improvisation devant n’importe quelle situation de la vie courante. Mentalement je suis presque prête à faire face. Il me manque encore l’expérience et l’habitude, mais je sais qu’avec Chloé je brûlerai les étapes et qu’elle me proposera des exercices efficaces pour m’entraîner.

  J’aime aussi énormément quand elle parle de son mari. Pour moi c’est la porte de service par laquelle s’ouvre l’accès sur la vie intime des grands artistes qu’aucun livre ne relate. Je ne me suis jamais passionnée pour les biographies, mais j’en ai lu quand même. En fait, elles sont souvent trop superficielles. Avec Chloé ce sont des informations de première main. J’avais souvent rêvé de rencontrer un artiste. J’ai imaginé plein de choses. Certaines, comme la vie dans le luxe, se révèlent vrais, d’autres clichés sont des purs produits de mon romantisme invétéré. Chloé me met en garde.

  -Grâce à M. j’ai pu approcher la plupart des artistes de notre époque. Quelle déception. Très peu entre eux sont comestibles. Le reste est un ramassis de mégalomanes, imbu de leur personnage et de leur succès. L’atmosphère devient irrespirable dans leur présence. M. lui, était différent, il dénotait complètement de ses collègues. Il fuyait la notoriété là où il pouvait. Il avait horreur d’être reconnu dans la rue. Il évitait des interviews pour les journaux et la télé. 

Il ne parlait à personne de son travail, même pas à moi. Par contre il me disait souvent : Chloé, tu viens de m’inspirer un nouveau tableau. Dans ces instants-là, il se plongeait dans les profondeurs de son esprit. Ses yeux se vidaient, il se détachait de son environ et n’entendait plus ma voix. Il ne réagissait même pas quand j’essayais, au début de notre vie commune, de le secouer doucement. Il restait parfaitement immobile, pendant des heures parfois.

Une fois quand je l’ai vu encore dans cet état, j’avais vraiment peur. Heureusement ce jour nous avions le sculpteur H. en visite qui aimai t M. comme un fils.

H. a vu mon désespoir et ma peur. Il m’a mis sa main sur mon épaule et m’a expliquée :

Ne t’inquiète pas pour M. Au premier coup d’œil on pourrait supposer qu’il soit malade d’une forme de folie absolument inoffensive pour les autres. Mais M. maîtrise parfaitement ce qu’on appelle la réalité, à chaque pas il sait ce qu’il fait. Il est toujours cohérent et nous n’avons aucun mal pour suivre son discours.

En ce moment, malgré des apparences, il nous voit et nous entend. Par contre la perception de cette pièce n’est plus la même pour lui que pour nous. Il est parti volontairement pour rejoindre son univers onirique où il puise sa force et où il peaufine ses inspirations. Imagine Chloé, de superposer à ce que tu perçois un de ses tableaux avec des personnages qu’il inclut. Or, ces personnages ne sont pas immobiles comme sur une toile. Ils ont leur propre vie, ils bougent, ils parlent, ils agissent comme des véritables êtres humains. On les observant M. s’imprègne de leurs secrets intimes et arrive par ce moyen de les restituer plus tard sur toile plus vrai que nature. Il capte l’insondable profondeur de l’existence, l’authenticité de ce qui possède une conscience et nous fait partager à travers de ses œuvres la singularité de ses modèles. Ce ne sont pas des pantins qu’il met habilement en scène, ce sont des êtres vivants, éternisés à un moment précis de leur existence avec leurs soucis et joies devant cette absurdité qui constitue la vie.

Je suis artiste moi-même, mais je suis aussi impressionné que toi devant cette concentration suprême. Pour ton mari, nous et ses personnages, nous formons le même monde.

  -Alors, pourquoi il reste immobile et ne parle pas à ses modèles inexistants, comme ont l’habitude certains malades ?

  -C’est ici que les choses se compliquent. M. a conscience qu’il s’est glissé dans un monde parallèle et il est capable de faire la différence entre ce qui est réel et ce qui est sa partie imaginative ou délirante, si tu préfères.

Il domine ses perceptions et détourne volontairement les symptômes à des buts artistiques. Si tu veux qu’il revienne, parle lui Chloé. Il faut lui donner envie de quitter ses rêves éveillés. Il n’y a que toi qui puisses réaliser ce miracle. Tu es le seul être en dehors de sa peinture auquel il tient.

J’ai pris la main de mon mari et je lui ai parlé calmement. Je lui expliquais que j’étais Chloé, sa femme, sa petite danseuse et son modèle préféré. Que je n’étais pas un rêve, mais réellement existante. Que nous étions à Banyuls dans notre salon, un dimanche au mois de juillet.

Je lui ai parlé de n’importe quoi, aussi que je l’aimais, que je tienne à lui et que je me sente seule sans lui.

J’ai suivi les conseils d’H, qui avait la courtoisie de quitter la pièce pour me laisser seule avec M. Je n’étais pas vraiment rassurée.

J’ai dis à M. qu’il me manquait, que j’étais inquiète pour lui, que je ne l’abandonnerait pas et que lui non plus ne devrait pas m’abandonner, que j’avais besoin de lui.

Après quelques minutes l’expression est revenue dans ses yeux comme s’il se réveillait d’un long sommeil.

  -Ne t’inquiète plus Chloé, disait-il, je suis de retour. J’ai assez travaillé pour aujourd’hui.

Puis il m’a embrassée.

 

J’ai lu pas mal de livres sur la psychiatrie. Ce sujet m’a fascinée pendant un bon moment. J'ai lu des thèses sur la folie d’Artaud, Cocteau, Hölderlin, Goethe, Dali et d’autres. Certains ce sont perdus dans leur folie et ont fini à l’hospice. D’autres ont mené une vie "normale" jusqu’aux bout. J’ai lu aussi des livres sur M. Personne ne s’était aperçu de sa maladie, au moins on n’en parlait pas.

 

  -Une psychose n’est pas forcement un handicap dans la vie. Mais des gens qui s’en servent comme ton mari sont rares. La plupart des malades sont improductifs et c’est à cause de ça qu’il font du sur place. En effet, l’art semble un excellent moyen d’arracher à cette maladie des aperçus grandioses de l’âme humaine et des photographies instantanés de l’esprit.

J’admire ton courage Chloé.

  -Je vais te confier un secret, Bella. Je crois que je n’ai pu vivre qu’une relation aussi intense parce que moi aussi, je dois être disposée pour cette maladie sans le savoir. Je me suis rendue compte au fil des années, en observant et vivant avec M.

Quand j’étais encore danseuse je pouvais m’entraîner pendant des interminables heures sans ressentir la moindre fatigue. Aucune de mes collègues n’arrivait à tenir ma cadence. Aujourd’hui encore j’ai des longues phases d’insomnies où mon sommeil ne dépasse rarement quelques petites heures. Je me sens increvable et je déborde d’énergie. Puis, subitement je craque et me perds dans mes abîmes.

  -J’ai du mal à te croire. Tu me parais si parfaite, si affirmée, si sure de toi.

  -L’un n’empêche pas l’autre, Bella. Ne te fie pas trop aux apparences. Aucun être n’est constamment fort. Chacun a ses moments de faiblesse. Personnellement je pense que tu as le potentiel de devenir plus forte que moi.

Tu possèdes un quotidien qui t’empêche de t’abandonner à la rumination. Quand tu es dans ta bibliothèque, il faut que tu assures. Tu ne peux pas envoyer un lecteur sur les roses en prétextant une déprime. Tu dois être présente en permanence et agir selon les exigences de ton travail. Ceci implique forcement un contrôle de soi et une autodiscipline.

Le matin quand tu te lèves pour aller travailler, tu ne te poses pas la question si tu as envie ou pas. La vie te contraint à exercer un métier dans lequel tu puises ta force.

Tu as des repères, tu es stable et c’est ça qui t’immunise contre la dépression.

Bien sur, tu as des peurs et angoisses comme tout le monde, mais elles ne deviennent que dangereuses quand elles s’incrustent dans la vie de tous les jours, quand ils t’empêchent d’accomplir des actes quotidiens.

Moi je ne suis soumise à aucune contrainte extérieure. Je peux librement décider ce que veux faire de mes jours. Je n’ai pas de repères ni du travail stable. J’ai à chaque instant le choix : sombrer dans la déprime à cause d’une vie qui n’est que futilité ou me créer des envies qui me font plaisir et qui me soutiennent. J’ai quarante-deux ans et j’ai eu la chance de réaliser à peut près tout ce qu’on peut demander à la vie. Malgré cela je suis encore assoiffée de nouvelles expériences. C’est cette soif-là qui nous lie et nous unie. Moi j’ai l’habitude de l’assouvir. Ce côté de moi t’attire et me rend forte et invulnérable à tes yeux.

  -Tu as raison Chloé. J’ai tendance à voir en toi une initiatrice chevronnée. Parfois je me demande si tu ne t’ennuies pas avec une femme aussi peu expérimentée que moi.

  -Il faut trouver le bon équilibre entre nos discussions et nos distractions. Assez parlé pour aujourd’hui. Il faut passer à l’action. Tu me veux en initiatrice, bon d’accord.

 

suite

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs - Communauté : Ecritures Sensuelles
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