Vendredi 11 avril 5 11 /04 /Avr 12:05

« Te sens-tu de relever ce défi, ma chérie ? »

 

« Ce n’est pas ma première fessée devant un public choisi. »

 

« Certes, mais les D vont loin dans la sophistication. Lui c’est un bonhomme un peu vicieux, le début de la soixantaine, bien portant, jovial et bon vivant. Il aimerait sûrement profiter de l’occasion pour te tripoter. Qu’en di-tu Isabelle ? Je ne voudrais pas t’imposer ce que tu ne désires pas… »

 

« Je te connais trop bien. Tu es tellement fier d’avoir dompté ta petite Isabelle et tu voudrais que tout le monde le sache.

 

Alors tu prends un malin plaisir à me montrer aux autres, un peu comme un bijou exotique ou un objet précieux, ton jardin secret et ta cours de récréation en même temps. Ce qui te plaît surtout en moi c’est le fait que je sois parfaitement fidèle envers toi, dans mes actes et sentiments et que je ne céderais à aucun autre homme.

 

Au fonds, tu es excité à l’idée qu’un autre pourrait s’échauffer sur moi, me faire les plus belles déclarations et promesses et que je le renvoie poliment et ferment à ma manière personnelle. Mais sache que ce jeu me trouble aussi. Si ta jalousie te permet de voir la main d’un autre sur ma peau, alors je suis d’accord. »

 

«Hum… Très bien, mais juste une dernière chose. Méfis-toi de sa femme. Elle est redoutable. C’est quelqu’un qui a tendance à pousser loin dans l’humiliation verbale et tu ne serais pas la première à fondre en larmes devant elle. »

 

« Un peu de confiance en moi E. Je suis une éternelle angoissée, je te l’accorde, mais j’ai des pieds bien sur terre. Je demande à voir une femme ou un homme, peu importe, qui arrive à me déstabiliser que je fonde en larmes. Elles n’appartiennent qu’à toi, tout comme mon corps et mes sentiments. »

 

 

Je trouve beaucoup de charme à Monsieur D, qui prend le temps à me dévisager de la tête aux pieds. Ses yeux me révèlent un homme doux, gentil et paternel. Parfois il doit culpabiliser sur ses envies de fesser les jeunes femmes. Parfois il doit être désespéré aussi. Malgré toute sa culture, son savoir unique et ses expériences multiples, accumulées au fil d’une vie mouvementée, il n’est pas content de lui-même. Il redoute les moments de solitude où ses troubles le submergent, l’emportant sans qu’il puisse résister dans un torrent d’émotions inavouables, sans gilet de secours.

 

Mais la tentation est plus forte et la « critique de la raison pure » n’est pas moyen universel pour calmer les pulsions brutes qui caractérisent chaque être humain. Le désir est comme un ordinateur utilisant le langage binaire : cela m’excite ou cela ne m’excite pas. Il s’en moque éperdument de la morale en vigueur ou de notre morale personnelle. Il ne vit que pour la satisfaction des sens : ecce homo.

 

Ma tenue semble lui convenir. Bien sûr, il n’en sait encore rien de mes sous-vêtements. J’ai choisi un coordonné blanc tout en douceur : un petit corset à l’ancienne qui me permet de tricher sur le volume de mes seins et sur la finesse de ma taille ; des dim-up (qui ne sont en fait pas de dim-up et viennent d’une autre marque) et une jolie culotte en coton, brodée selon la mode de calais. Par-dessus je suis restée bien sage : une petite jupe grise, plissée, un chemisier blanc et des babies chinoises pour méditation.

 

Mes cheveux sont soigneusement attachés avec des barrettes en nacre. Je n’ai pas poussé le vice jusqu’à me tresser des nattes de fillette. Moi aussi j’ai des limites : j’aime les mises en situation, sans toutefois oublier que je suis une femme adulte et non pas une écolière. Alors j’ai utilisé aussi un léger maquillage.

 
Enfin D s’exprime :
 

« Voici donc enfin la fameuse Isabelle. Tu es encore plus jolie en nature que sur les tableaux. »

 

« Merci, mais j’insiste auprès d’E pour modifier mon visage. Je n’ai pas envie de vivre mon quart d’heure de gloire au travers d’une toile. Je tiens à ma vie privée et ma tranquillité. »

 

Puis intervient Madame, N pour les intimes :

 

« Je t’aurais imaginée plus grande. Tu fais vraiment petite poupée. »

 

« Vous savez N, ce sont les talons hauts qui faussent l’impression. Je ne peux rien pour ma taille. Je suis petite et je dois m’en accommoder. »

 

Que dire de cette femme. Le premier aperçu est déplaisant. Nous semblons venir de deux univers différents. Pour elle, sa féminité est source d’un combat intérieur et cela se reflète sur son visage et dans son allure. Pourtant elle est assez jolie à la base. Sa coupe de cheveux à la garçonne, tirée en arrière par un gel coiffant lui donne un air d’antan et lui va bien.

Par la couleur blonde nacrée les années vingt se dessinent devant moi. Les sourcils sont épilés et remplacés par un trait de crayon. Je n’aime pas trop cela, mais les goûts et les couleurs, cela ne se discute pas, aussi peu que l’impression d’une sévérité ostensible.

 

« J’ai l’habitude de filles de ton genre. Cela se greffe sur le premier portefeuille venu en espérant de passer des jours tranquilles. Mis à part tes charmes physiques, possèdes-tu encore d’autres qualifications ? Ne serais-tu pas un peu sotte sur les bords ? »

 
 

E intervient. Serait-il en train de perde son calme habituel ?

 

« Je t’en prie ! Isabelle n’est pas  ’’bête’’. Elle a fait des études universitaires calées. »

 

Mon compagnon chéri est parfois trop impulsif quand on touche à ma petite personne. Rassurant de le savoir mais parfaitement inutile. Je sais me défendre toute seule comme il faut. Là, je ne réagis pas parce que je suis encore en période d’observation.

 

Le jeu ne fait que commencer.

 

Nous possédons un attirail de gestes pour communiquer en société sans que personne ne s’en aperçoive. Un petit geste, à peine perceptible et il se tait sans échapper à la réponse de N qui me semblait un peu prévisible. (« Mon pauvre chéri tu es un homme adorable, mais de grâce tais toi quand deux femmes se taquinent… »)

 

« Mon cher E, il a deux sortes de filles à la fac : celles qui veulent apprendre un métier et celles qui cherchent un mari illustre. Isabelle doit plutôt appartenir à la deuxième catégorie comme les circonstances le prouvent. 

Néanmoins je vous félicite de votre élève. Vous avez la réputation d’un home de goût. Isabelle me paraît tellement exquise, tellement loin de la condition des humbles mortels. Voila une petite demoiselle qui ne se rend sûrement jamais aux toilettes et ne doit sentir jamais mauvais. Corrigez-moi, si je me trompe… »

 

Avant que les hommes ne puissent sortir une autre bêtise pour se fassent bouffer tout crûs par N, je décide d’intervenir.

 

« Tu te trompes N : je fais pipi et caca comme tout le monde ! »

 

La « subtilité » de ma réponse se trouve dans l’intonation de ma voix qui est crédible et assortie à ma tenue. Mais nos hommes eux, sont consternés, voire gênés.

 

 

 

Un petit regard complice entre deux femmes. Le courrant passe. Subitement je trouve plein de qualités à N : Comme moi, elle considère les hommes parfois comme des grands garçons, si indispensable et indissociable à notre bonheur de femme. Ils veulent jouer avec nous … mais prennent le jeu trop au sérieux.

 

Pour mériter une fessée il faut d’abord chauffer la salle.

 

N et moi nous nous détendons par un fou rire qui consterne encore plus. Il est grand temps de passer à table.

 

E ne parle que de moi, comme d’habitude.

 

« Isabelle est une jeune femme très sérieuse et bien élevée. En six mois de vie commune, je ne l’ai jamais entendu jurer. Elle n’utilise pas de gros mots. »

 

« Vous prétendez alors qu’elle serait docile et souriante en permanence ? Pas de caprices, pas de petites colères ? Une jeune femme modèle en quelque sorte…»

 

« Si ! Les caprices ne lui manquent pas et il se passe rarement une journée où elle ne pique pas sa crise. »

 

« Hmmm…Alors comment faites-vous pour garder le calme à la maison ? »

 

« Isabelle est éduquée à l’anglaise. Cela lui convient à la merveille. Elle fait des progrès spectaculaires… »

 

N intervient dans la discussion des hommes. Heureusement, elle ne joue pas l’ingénue en posant une question du style : « c’est quoi, l’éducation anglaise ? » J’ai horreur de ce genre de comportement. Oser appeler un chat un chat.

 

«… Et vous passez sous silence son impertinence avérée de tout à l’heure ? »

 
 
 

« Pas du tout. J’attendais le moment du digestif pour rappeler Isabelle à l’ordre. Elle vous fera des excuses N, puis sera punie à l’hauteur de son intrépidité : martinet, canne, cravache, paddle… À vous Madame le choix de l’arme, c’est vous qui fûtes offensée.  »

 

« N’en faites pas autant. Pour vexer une si fière jeune femme, il n’y a rien de mieux que la main de son tuteur dans une telle situation. Malgré ses apparences angéliques, je suis convaincue que sa résistance à la douleur soit considérable, à l’énoncé des instruments que vous proposez. Ne lui donnez pas la satisfaction de se moquer de nous : elle serait capable d’endurer les coups avec le sourire.

 

 Punissez-la tout simplement sans artifices, claquez sèchement ses globes avec vos mains. Faites-lui comprendre que les instruments se méritent, qu’elle se surpasse dans ses bêtises. Elle n’est plus une gamine, mais une adulte consentante. Respectez et attisez la femme en elle. Vous y gagnerez largement en sensations. Le plaisir qu’elle vous offrira n’en sera que plus intense. Parce que dans votre couple - avec tout le respect que je vous dois - la partie immature, c’est vous E. Par son comportement et sa docilité exagérée, votre Isabelle vous signale d’une manière poignante qu’elle éprouve du plaisir autrement que les autres. Ne définissez pas une jeune femme par ce seul acte qu’est la fessée. Votre démarche envers elle serait forcement artificiel et vous obligerait à laisser dans l’ombre tout le reste de sa personnalité.

 

Je sais que vous l’aimez et que votre couple ne date que de quelques mois. Elle n’est pas votre jouet, mais votre compagne.»

 

Je suis conquise par N. Elle a dû passer dans sa jeunesse par les mêmes chemins obscurs que moi. La recherche d’une identité sexuelle dure toute la vie. Il est rassurant d’entendre une femme, de trente ans mon aînée, de prononcer un tel discours.

 

E est bon joueur. Il ne prétend pas de détenir l’ultime vérité. Cette fessée verbale de la part de cette femme ne le blesse pas dans son amour propre, ni dans sa virilité. C’est un homme évolutif qui a horreurs des gens qui essayent de le flatter en disant qu’il a les idées bien en place.

 

« Zut alors ! et ma fessée ? »

 
D vient à mon secours.
 

« N, tu ne saurais jamais à quel moment il convient de se taire, mauvaise langue. Tu as décidément le chic pour gâcher la soirée à tout le monde. Alors, crois-moi, il n’y aura pas qu’Isabelle qui nous fera l’honneur ce soir de dévoiler son fessier. Baisse ton pantalon et ta culotte et viens sur mes genoux. J’ai un mot à te dire. Maintenant !»

 
 

 Là, c’est moi qui suis troublée et pour du bon. Pour une fois je ne suis le pas centre de l’univers et je ne le regrette pas. Je n’ai jamais vu ou même imaginé une telle situation. Une femme de la mi-cinquantaine, plutôt connue dans un certain milieu littéraire pour sa plume d’acier, non complaisante et indomptée, et qui se plie sur les genoux d’un mari autoritaire pour se faire rappeler à l’ordre. Le pantalons en lin gris de son tailleur glisse le long des ses jambes et se réduit à presque rien autour de ses chevilles. N est encore très jolie pour son âge et j’admire la finesse de ses jambes. La peur de vieillir s’estompes en moi, au moins pour cette soirée.

 


N fléchit ses genoux et se déculotte devant nous. Elle est de la génération de ma maman et ne se plie pas à la dictature de la génération porno qui est la mienne. Je comprends mieux pourquoi je m’épile depuis mon adolescence. Le monde moderne ne fait pas de cadeau.

Hendrix, Morrison et Joplin sont partis à des ages canoniques de plus de vingt cinq ans. Pour être dans le coup aujourd’hui il faudrait partir bien avant la vingtaine. Il ne me manque qu’un mois pour arriver à vingt-cinq ans et suis encore vivante. Quelle honte !

 

N s’allonge sur les genoux de son époux qui n’hésite pas à lancer des clins d’œil complices à E. Je trouve que D avec son ventre proéminent et son visage un peu rougi par une consommation de bière sans modération ressemble beaucoup à Emil Jannings, le professeur Unrath (déchet, ordure en allemand), du célèbre l’Ange Bleu qui entame sa déchéance en rencontrant Marlene Dietrich. Ca y est, je sais à qui N me fait penser : C’est elle l’Ange Bleu… avec quelques années en plus.

 

Le « professeur Unrath » débute sa bonne action contre la débauche. L’Ange Bleu sera converti à la discipline stricte qui caractérise mon peuple dans les caricatures.

 

Mais ici la caricature est involontaire. La punition de N se passe selon un rituel rigide et rodée au fil d’innombrables années. Selon la sonorité des claques appliquées, elle doit être rudement douloureuse. Herr professeur Unrath ne plaisante pas.

 

Il n’y a que moi qui cerne le grotesque de l’instant présent. Ah, ces allemands, je suis réconciliée avec mon peuple. Décidemment la fessée est un langage universel qui rapproche hommes et femmes, grands et petits esprits.

 

La fausse Marlene encaisse dignement cette correction de son comportement inadmissible. Dommage que la tenue du film ne soit pas à l’ordre du jour.

 

Les fesses des fessées parlent un langage universel. Elles s’expriment envers le fesseur par leur couleur et envers de elles-mêmes par une intense émotion et une vive perception. La douleur sert à signaler une menace du corps au cerveau. Mais dans ce jeu la menace se transforme pour certaines femmes comme N et moi en trouble érotique. Il n’y a pas de quoi à fouetter un chat selon mon bilan personnel. J’aime la fessée sans me culpabiliser pour autant. Peut-être suis-je vraiment un peu bêtasse.

 

Le professeur Unrath est un fesseur systématique ; pas la moindre petite fantaisie. N avec son discours a-t-elle voulu m’épargner un tel destin ? J’ai un peu de difficulté à imaginer ses deux-là à prendre du bon temps au lit. Le professeur se sert-il de son machin comme il se sert de sa main ? Solidement, fermement avec le sens du devoir. Je m’en fous. Je ne m’intéresse pas ce qui se passe dans la chambre des autres.

 

Je réalise que je suis en train d’assister à ma première fessée en public. J’ai souvent fantasmé sur une telle situation. Je suis un peu déçue par la réalité. Le fantasme réserve souvent plus de piquant quand on l’imagine irréalisable.

 

« Zut alors ! et ma fessée ? »

 

« Silence Isabelle ! Chacune son tour. Tu es la prochaine sur la liste. »

 

« Patience jeune Mademoiselle » me lance Monsieur le professeur. « Tais-toi, observe et prend bonne note de ce qui arrive aux femmes qui ont le verbe haut. »

 
J’ai envie de rire.
 

D finit son œuvre par une fantaisie sonore qui me rappelle Moussorgski et ses « Tableaux d’une exposition. »

 

A ma grande surprise N se voit condamnée à rejoindre un coin de la pièce. Sa démarche n’est pas celle d’une impératrice, car son pantalon autours de ses chevilles et sa culotte juste en dessous de ses genoux se révèlent simplement gênants. Mais sa dignité de femme n’est pas brisée pour autant. Demain j’aurais largement l’occasion de parler avec elle pour mieux comprendre ses motivations. Je suis sous son charme, son énigme me fascine.

 

N est habituée à ce genre d’exercices et s’agenouille au coin, les mains repliées derrière sa tête. J’aimerais bien savoir ce qu’elle pense en ce moment. Serait-elle aussi futile que moi à réfléchir dans un instant pareil à la crème de beauté qu’elle essayera dans une journée proche. Là, je me sens un peu coupable envers E surtout quand il me pose la question inévitable, classique chez l’homme :

 

« A quoi penses-tu, ma chérie ? »

 

Pour une seule fois je veux répondre :

 

Derrière chaque grand homme se trouve une grande femme qui lui permets de réaliser ses ambitions dans ce vaste monde en s’effaçant à la maison par amour.

 

Réveillez- vous un peu les mecs ! Le mot « merci » existe.

 
 

 

Par isabelle183 - Publié dans : Mes récits
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