Dimanche 15 juin 7 15 /06 /Juin 13:36
                                       LA MÉTAMORPHOSE (suite)

Gonflée à bloc je suis prête pour des nouvelles aventures. Je me dirige vers le salon de beauté que Geneviève m’a indiqué. J’étudie attentivement la liste de prix affiché en vitrine en faisant mes calculs. Pour entrer je n’ai plus d’inhibition. Oui, une des employées est disponible. Je demande une épilation complète. Je ne suis pas une femme douillette, plutôt endurcie. Il faut souffrir pour être belle. Je souffre en volupté. Mon côté masochisme a du bon. Il me permet d’aborder des sensations extrêmes dans des bonnes conditions. Quand je sors, je suis débarrassée de mes poils dans les moindres recoins, lisse comme un bébé. Ma peau brûle légèrement ; elle est hypersensible. Chaque pas est une révélation.

 

Je m’installe sur une terrasse de bistro où je mange un sandwich. Je ne passe plus inaperçu. Pas mal d’hommes me regardent. Je ne suis néanmoins pas d’humeur de faire déjà une rencontre. Je n’ai pas le temps. Des courses m’attendent.

Je refuse poliment, mais ferment les avances d’un homme qui m’aborde par un compliment sur ma jolie coiffure. On dit toujours que long avantage une femme, révèle sa féminité au mieux. C’est une idée reçue. Le ultra court opère par effet de rareté. En plus il actionne l’inconscient. Les hommes sont foudroyés sans savoir ce qui leur arrive. Je dois avoir le vice dans la peau et je m’en réjouie.

 

J’ai prévu du shopping. Pour l’instant je suis encore un peu indécise. Il serait temps que je change ma lingerie. Pour le reste je verrais plus tard. Peut-être entre temps j’aurais le déclic. Chloé m’a indiqué certains magasins. J’étudie les étalages avant d’opter pour un d’entre eux. Quelques uns - surtout là où se vendent les créations – ne correspondent pas à mes moyens. Et une fois de plus je fais un choix de raison.

 

La vendeuse est élégante et polie. Je lui confie que je n’ai jamais porté de la belle dentelle.

 

-Quel dommage pour vous, me dit-elle, vous ne savez pas ce que vous ratez. Venez avec moi, je vais vous montrer. Avez-vous une préférence pour de couleur ?

 

-Oui du rouge.

 

-Je m’en doutais. Vous aimez le voyant. Vous avez de la chance. Depuis peu le rouge ne manque plus et il existe dans tous nos modèles. À vous de choisir ou préfériez-vous un conseil ?

 

La vendeuse me comprend. Elle me donne un cours complet sur la lingerie.

 

-À la base de tout coordonne se trouve la culotte sous ses formes différentes : en slip, en string, boxer…

 

Vous avez aussi l’alternative d’opter pour un string-jupette avec ou sans jarretelles, un body simple ou un body string. La vendeuse n’est pas pressée. Elle veut me garder le plus longtemps possible au magasin. Je connais l’astuce de ma bibliothèque. Le monde attire le monde.

 

-Passons aux soutien gorges : il y en a avec ou sans armature ; la brassière pour les robes sans bretelles, le bustier classique ou pour redonner du volume, le wonderbra qui fait gagne une taille par ses coussins rembourrés.

Pour finir nous vendons porte-jarretelles, serre tailles, guêpières et corsets.

Pour cacher des dentelles épaisses sous une robe moulante, une combinaison est parfois indispensable.

Et voila tout le secret de la lingerie.

 

Je me décide pour un bustier en rouge vif, assorti d’un string en dentelle de Calais en m’inspirant sur Chloé et - indispensable pour la nouvelle Bella - un beau porte-jarretelles ainsi que plusieurs paires de bas.  

 

Entre temps l’idée sur mes futurs vêtements s’est précisée. J’ai envie de céder à un caprice dont je dû me priver adolescente. Les magasins branchés ne manquent pas. Quand les Sex Pistols ont inventé le punk, je n’étais pas encore de ce monde. Je suis née l’année de la mort de Sid Vicios, en soixante-dix-neuf. Autant que je trouve cette musique inaudible autant la mode associée m’a toujours fascinée. Il n’y a pas d’âge pour rattraper un retard. D’habitude je suis une digne fille de l’arrière pays, assez économe. Une mauvaise langue dirait, près de ses sous. Aujourd’hui j’ai décidé de faire une exception et je m’accorde un budget confortable. J’ai besoin de tout. Je veux me changer de la tête au pied. En rentrant dans une des boutiques dont la vitrine a attiré ma curiosité, je suis en décalage avec la marchandise proposée. En sortant j’ai le look. Je me suis achetée une tenue complète, chaussures y comprises. Dans la poche du magasin je porte mon ancienne peau. J’ai mué comme un serpent. On me regarde encore plus. Maintenant c’est parfaitement compréhensible. Bella, la punkette, choque les bourges. Ça fait un peu ado en retard, mais j’en ai besoin pour me défouler après tant années de rat de bibliothèque. J’ai craqué sur une jupe courte, style kilt, entièrement plissée, motif écossai qui révèle mes jambes fines, gainés de longs bas en coton s’arrêtant au dessus des genoux. Ils affichent des larges bandes transversales, rouges et noires en alternance. Mes pieds sont chaussés dans des bottines vernies, noires à lacets et – j’assume - haut talon aiguille, des stiletto heels comme disent les américains. J’ai un bon sens d’équilibre car je fais beaucoup de gym. Je n’ai aucun mal à marcher sur des talons de dix sans tomber dans le ridicule.

Pour contraster j’ai choisi un chemisier blanc, très échancré sans manches qui se cache sous un blouson perfecto. J’ai aussi claqué des sous pour un collier en cuir clouté pour mon coup, ainsi que des bracelets et des mitaines assorties. Ces accessoires sont rangés dans mon sac. Je ne veux pas exagérer non plus en pleine rue et réserve la surprise pour Chloé.   

 

Chloé avait raison : la beauté se travaille surtout si les données sont bonnes. Ou, serais-ce l’exhibitionnisme provoquant que je dégage qui attire les regards des hommes ? En fait je m’en fiche complètement des raisons. Je suis flattée et encouragée. C’est tout ce qui compte.

 

Pourquoi subitement tant audace ? Hein ben, c’est simple. J’ai accepté quelque chose qui révolutionne ma vie : Une femme ne devient pas un objet par ses vêtements, ni par ses allures, mais par son état d’esprit. Celui qui ne me croit pas devrait se donner du mal à réviser la vraie littérature féministe. Je conseille avant tout la grande Simone (de Beauvoir, bien sur) qui, il y a plus de soixante ans, avait - à mon humble avis   - déjà tout comprise.

 

Le lendemain je me réveille très tôt. Je suis trop contente de mes exploits. Je ne peux pas m’empêcher de ressayer ma nouvelle tenue. Je voulais devenir provocante et j’ai tenu promesse. La Bella du miroir me livre entière satisfaction. Elle me tente et je cède sans scrupules à la tentation sur mon canapé. Il me tarde le rendez-vous du week-end avec Chloé.

 

Je ne peux pas m’empêcher de faire un saut chez ma mère. À cette heure de la journée elle est seule à la maison. Mon père travaille. Je me prépare soigneusement. Je ne vais pas louper ma mère pour lui annoncer que ce dimanche je ne serais pas disponible non plus. Je procède à un maquillage très discret qui souligne la douceur de mon visage par des pastels. J’opte pour une jupe droite, gris souris avec un chemisier blanc à col claudine. Je suis à la montagne et si tôt matin il fait encore frais. Pour la première fois de ma vie je m’accroche une paire de bas, couleur chair à mon nouveau porte -jarretelles. J’ai décidé de m’habituer et d’en porter régulièrement, surtout cet hiver dans ma bibliothèque surchauffée.

 

Comme d’habitude, quand j’y vais chez mes parents, je mets mes souliers plats. Une jeune femme modèle se dessine dans le miroir, digne d’un pensionnat guindé d’une époque révolue. On reconnaît au premier coup d’œil que j’étais élevée à la baguette (sic, mais c’est l’effet que je désire en me préparant et en plus c’est la vérité).

 

Ma mère me regarde avec des grands yeux. Se doute-t-elle de quelque chose ? Sait-elle qu’aujourd’hui elle perdra définitivement toute emprise sur moi, que Bella ferrai la belle ? Je pense à un film avec Arnold Schwarzenegger, terminator. Je suis prête pour le jour du jugement et « je reviendrais »… pas sur mes décisions.

 

-Comment tu trouves ma nouvelle coiffure Maman ?

 

-Un peu trop courte, mais convenable.

 

-Excuse-moi, la coiffeuse avait la main très lourde. J’ai pensé que cela te ferrait plaisir.

 

-Cela me fais plaisir ma chérie. As-tu enfin terminé ta crise d’adolescence ?

 

-Oui Maman.

 

-Quand je pense au souci que tu m’as causé pendant tout ces années. N’as-tu pas honte ?

 

Je suis perplexe par tant de bêtise. J’ai envie de creuser un peu pour mieux comprendre. 

 

-Si, mais c’est aussi un peu de ta faute.

 

-Comment ça ?

 

-Tu aurais du être plus ferme avec moi.

 

-Je te rappelle que tu n’as jamais été privé de martinet Bella.

 

-Je sais Maman et je te remercie de tout mon coeur. Peut-être aurais-tu dû continuer un peu plus longtemps.

 

-Plains-toi auprès de ton père. C’est lui qui a insisté que j’arrête de te corriger.

Mais enfin tu reconnais que cela t’a fait du bien.

 

-Enormément Maman. Je regrette sincèrement ce temps-là.

 

-On dirait que tu regrettes surtout le martinet.

 

-Beaucoup Maman. Parfois je me dis que tout ce sera plus simple, si tu me corrigerais encore de temps en temps.

 

-Ce n’est pas l’envie qui me manque, Bella. Mais tu es adulte maintenant. Cela ne se fait plus à ton âge.

 

-S’il tu plais Maman !

 

- Cherche-toi un homme, Bella. Il te mettra au pli.

 

Ma mère est d’une stupidité invétéré et irrécupérable. Elle ne comprend pas le cynisme. Je ne suis même plus en colère contre elle. J’accepte les évidences sans résignation. Ce n’est pas à moi de changer mes parents. Un sentiment de paix m’envahit.

 

-Bella, j’ai un mot à te dire. Je me fais des soucis pour toi. Je n’aime pas tes nouvelles fréquentations. Cette femme qui est venue te chercher l’autre samedi, qui est-ce ?

 

-Une dame très bien.

 

-Ne me ment pas Bella. Ton frère l’a vu. Il m’a tout racontée. Lui aussi se fait des soucis.

 

Je déteste mon frère. Il a toujours été un fayot. Il sait s‘y prendre avec ma mère sous prétexte qu’une famille doit former un clan uni. Il se croit chez les gaulois, lui. Il est au chômage depuis quelques années. Depuis il n’a pas arrêté de grossir. Maintenant il ne peut plus travailler, car son obésité l’empêche. C’est la faute de sa première femme, bien entendu. Cette salope, comme il aime dire en se délectant du mot, lui a ruiné sa vie. Il se plaint auprès de Maman qui est toujours d’écoute pour son fiston chérie. Il passe des matinées entières avec elle pendant que sa nouvelle compagne, ma belle sœur donc, fait tourner la marmite en travaillant pour son « gros ». Ma belle sœur est, selon mon frère, une femme parfaite, pas comme moi qui ne pense qu’à sa bibliothèque au lieu de soutenir – dans ses heures perdues - son frère dans ses projets. Pour lui je suis une intellectuelle dangereuse, une femme de tête qui manque de féminité. Je devrais prendre exemple sur ma belle sœur qui est bien mieux que moi, qui est beaucoup plus jolie que moi, qui a les sens des valeurs.

 

Parfois mon frère se montre magnanime à mon égard, surtout pour les fins de mois quand je dois participer financièrement à son ménage ou pour lui avancer des sous pour des cadeaux pour sa compagne.

 

-Ton frère se demande, si cette femme ne serait pas une prostituée. Une voiture rouge, décapotable fait mauvais genre. On plus, ça doit coûter les yeux de la tête. Tu m’écoutes Bella. Finalement tu dois avoir raison. Je devrais décrocher le martinet. Es-tu allée chez le coiffeur pour me cacher ta mauvaise conscience ?

 

L’art d’accepter ces parents implique aussi de comprendre qu’ils nous connaissent parfaitement. Tant qu’il y a un lien affectif trop étroit il est impossible de se soustraire à leur emprise. La réflexion de ma mère me passe à côté. Elle ne me blesse plus. Je suis libre enfin. Le cordon ombilical est coupé. J’ai envie de la faire mousser comme elle essaye avec moi.

 

-Chloé est mon amie. Elle est veuve et vends des œuvres d’art et elle en vie très bien comme tu a pu constater. Je ne viendrai pas ce week-end non plus. J’ai encore rendez-vous avec elle.

 

Ma mère, surprise, change le ton, mais pas dans le sens que j’imaginais.

 

-Cela explique ses allures fantaisistes. Pourquoi tu ne l’invites pas chez toi. Cela nous permettrait de faire sa connaissance. Tu sais que ton frère est très doué en affaire. Il pourrait aider Chloé à mieux développer son commerce. Une femme toute seule se fait facilement rouler. Elle aurait besoin de conseil d’un homme. Qu’en penses-tu ?

 

Ma mère déteste sa belle fille. Elle n’est pas assez bien pour mon frère. De là à envisager de caser le gros avec une femme de treize ans son aînée pour le fric et le profit fait perdre à ma mère mes dernières sympathies. Je suis profondément dégoûtée.

suite

Par isabelle183 - Publié dans : La fille aux cheveux noirs
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